La naissance des Pobeda

La Résolution du Conseil du travail et de la défense de l’URSS n ° 292 du 21 avril 1935 Sur l’organisation de la production horlogère dans les fabriques du NKTP [Commissariat du peuple à l’industrie lourde], avait décidé d’une production horlogère à la Fabrique ZIM, pour une production annuelle de deux millions de montres de poche et d’un million de montres-bracelets.

Dans le cadre de la collaboration avec LIP, il fut décidé de prendre pour base le mouvement LIP R26 (« T » pour ronde, 26 pour 26mm de diamètre) est choisi comme base pour le futur mouvement, le K (« K » pour montre-bracelet).
Cependant si la production de montres de poche avant bien commencé dès 1936 chez ZIM, celle des montres-bracelets allait être retardées. La défaite de la France en 1940 allait stopper la collaboration avec LIP.
Mais la guerre n’est pas encore terminée que l’URSS décide la production des K26. Le 23 juin 1944 la préparation du modèle par le NII Chasprom est achevée, les ingénieurs du Chasprom l’ont modifié et, par quelques points donc, il se différencie du R26 (alors que le Zvezda est quasiment identique au T18).
Le nom de « Pobeda » (Победа , Victoire) a été choisi (ou validé, cela dépend des versions) par Staline en personne en avril 1945, alors que l’Armée rouge se battait pour prendre Berlin.
Il sera alors désigné 32ЧH.

Le R26 de LIP
Le R26 de LIP
Le K26 soviétique, on voit les différences au niveau du pont de rouage et du cliquet anti-retour
Le K26 soviétique, on voit les différences au niveau du pont de rouage et du cliquet anti-retour

Pour en savoir plus sur le mécanisme Pobeda et sa genèse

Une légende un peu malveillante veut que la décision de produire en masse une montre ait été consécutive à la découverte, par les soldats soviétiques, qu’en Occident les montres étaient très répandues, ce qu’ils auraient pu interpréter comme un signe de la supériorité du système capitaliste. Staline aurait voulu parer cela. C’est la version horlogère du mot voulant que Staline ai fait deux erreurs en 1945 : montrer l’Armée rouge à l’Europe et montrer l’Europe à l’Armée rouge… Or, on l’a vu, la production de la Pobeda avait été programmée avant-guerre et l’URSS avait commencé avant-guerre la production d’une montre-bracelet de masse, la Zvezda.

La naissance de la Pobeda a été l’occasion d’une scène très stalinienne.
K. M. Britsko, le vice-ministre responsable de l’industrie horlogère, et le directeur d’une des fabriques horlogères de Moscou, ont été convoqué au Kremlin pour voir Staline.
Ils ne sont pas restés longtemps dans la salle d’attente.
Dans le bureau se trouvaient Staline, Kaganovich et Beria.
Sans préambule, Staline a ouvert un tiroir de bureau, a sorti une montre-bracelet et, la montrant au ministre et au directeur, a déclaré:
– Le Politburo est d’avis que le peuple victorieux a besoin d’une montre. Nous vous suggérons de maîtriser cet échantillon en production [la montre était sans doute une LIP] et appelez-les « Victoire », en l’honneur de la Victoire sur l’Allemagne. Combien de temps avez-vous besoin de maîtriser? Est-ce qu’un an suffira ?
– Cela suffira, a répondu rapidement le vice-ministre. Il n’était pas d’usage de discuter dans ce bureau…
Sortant dans la rue, le directeur se jeta sur Britsko:
– Qu’est-ce que tu es? Une année ? On ne la maîtrisera pas en trois!
Et les deux de retourner à la réception.
– Camarade général, dit le ministre à Poskrebychev [le chef du cabinet de Staline]. Nous venons de nous consulter et nous pensons que nous ne pourrons pas garantir la montre d’ici un an. Que nous conseillez-vous?
– Suicidez-vous, répondit brièvement le général…
Après qu’une année se soit écoulée. Beria invite K.M. Britsko, qui était alors sous-ministre en charge de l’industrie horlogère.
– C’est fait? a demandé Béria.
– Nous l’avons fait, Lavrenty Pavlovich, répondit le vice-ministre.
– Allons ! Dit Béria, et prenant une montre dans ses mains, il la secoua longuement, la porta à son oreille et la jeta soudainement contre le mur.
Un filet de sueur froide coula sur le dos de Britsko.
Il ramassa sa montre et l’appuya contre son oreille.
– Elle fonctionne, Lavrenty Pavlovich, dit-il.
– C’est bien, répondit Beria.

Une première petite série de Pobeda sort de la fabrique de Penza fin 1945, mais les premières montres pour le public sortent de la Fabrique Kirov à Moscou en avril 1946. À partir de fin 1946, elles sont aussi produites par la fabrique de Petrodvorets et par celle de Tchistopol et à partir de 1953 par la 2e Fabrique de Montres de Moscou alors que la Fabrique Kirov en abandonne la production pour se concentrer sur des modèles plus pointus.

En résumé, les Pobeda seront produites :
A la Fabrique de Montres de Penza en 1945 pendant peu d’années
A la 1ère Fabrique de Montres de Moscou de 1946 à 1954 (même si 1953 est la date généralement indiquée: voir ici). La Fabrique produira des mécanisme K-26 pour d’autres fabriques lorsque celles-ci entreprendront de produire des Pobeda.
A la Fabrique de Montres de Petrodvorets de 1949 à 1962. C’est d’ailleurs parce qu’elle se voit attribué le rôle de produire en masse des Pobeda qu’en 1949, la fabrique abandonne son ancien nom de TTK-1 (Première Fabrique de Pierres de Précision) pour celui de Fabrique de Montres de Petrodvorets. Les premières Pobeda produites à Petrodvorets porteront encore sur le cadran TTK-1 et cela plusieurs années après le changement de nom (voir ici).
A la Fabrique de Montres de Tchistopol de 1949 à 1960 ou un peu plus tard
A la 2e Fabrique de Montres de Moscou de 1953 à 1964
A la Fabrique « Tochmash » de Vladimir (avec des mécanisme de la 2e Fabrique de Montres de Moscou) de 1955 à 1958
A la Fabrique Maslenikov (ZIM) de 1951 à 2004, parfois sous la marque Pobeda, parfois sous la marque ZIM.

Selon la nouvelle nomenclature, le K-26 deviendra:
2602 pour le modèle de base
2603 pour le modèle avec antichoc
2608 pour le modèle avec trotteuse

Parmi les toutes premières Pobeda produites à Penza, un modèle de prestige en argent:

Le catalogue de 1953 nous renseigne sur les premiers modèles de Pobeda

Modèle 26-K
Modèle 26-K

26-K: C’est la première des Pobeda, la fameuse « 12 rouge ». Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 29,6mm, cardan argenté, index de chiffres noirs (sauf, donc, le 12) et chemin de fer noir. Elle a des aiguilles « romaines » très typique de métal bleui, qui disparaîtront sur les modèles ultérieurs. « POBEDA » est en lettres majuscules noires. Voici ici un exemplaire

29-K
29-K

29-K: Version chic à boîtier en or d’un diamètre de 32mm, cadran argenté, graduations noires, index noir, aiguilles « plume » de métal doré. « POBEDA » en majuscules noires.

34-K
34-K

34-K: La première Pobeda dont le mécanisme est anti-choc et dont le boîtier est hermétique. Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 30,6mm, le fond est en acier inoxydable gravé, le cadran est argenté, l’index est doré, les graduations noires, les aiguilles sont de type « plume », en métal doré. « POBEDA » est en majuscules noires.

36-K
36-K

36-K: La première Pobeda avec une trotteuse plutôt qu’avec une petite seconde. Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 33mm, cadran argenté, graduations et index noirs, aiguilles « plume » de métal bleui et trotteuse rouge. « POBEDA » est en majuscules noires.

38-K
38-K

38-K: C’est la variante chic de la 36-K. Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 33mm, cadran argenté, graduations noires, index doré en relief, aiguilles « plume » de métal doré. « POBEDA » est en majuscules noires. Voir ici un exemplaire

43-K
43-K

43-K: La première Pobeda avec un index luminescent et un boîtier étanche à l’eau et à la poussière et un dispositif antichoc. Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 33mm, cadran couleur cuivre, graduations noires, index noir rehaussé de matière luminescente verte, aiguilles « glaive » de métal noir avec matière luminescente, trotteuse rouge. Fond en acier inoxydable et le verre incassable. Présentée comme montre de sportif, on peut aussi l’imaginer à l’usage des militaires.

44-K
44-K

44-K: Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 32mm, cadran argenté, graduations noires, index noir rehaussé de matière luminescente verte, aiguilles « plume » de métal noir avec un filet de matière luminescente. « POBEDA » en majuscules noires. Fond en acier inoxydable. Mention « 1МЦЗ им КИРОВА » à six heures.

45-K
45-K

45-K: Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 32mm, cadran noir, graduations blanches, index de matière luminescente verte, aiguilles « plume » de métal nickelé avec filet de matière luminescente, trotteuse rouge. « POBEDA » en lettres majuscules blanches. Mention « 1МЦЗ им КИРОВА » à six heures.

52-K
52-K

52-K: Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 29,6mm, cardan argenté, graduations et index noirs, aiguilles « glaive » de métal bleui. « POBEDA » en majuscules noires. Mention « 1МЦЗ им КИРОВА » à six heures.

107-K
107-K

107-K: Variante de la 43-K. Boîtier étanche à l’eau et à la poussière et un dispositif antichoc. Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 33mm, cadran noir, graduations blanches, index de matière luminescente verte, aiguilles « plume » de métal nickelé avec un filet de matière luminescente, trotteuse rouge. « POBEDA » en majuscules blanches. Fond en acier inoxydable et le verre incassable. Présentée comme montre de sportif, on peut aussi l’imaginer à l’usage des militaires.

112-K
112-K

112-K: Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 29,6mm, cadran vernis d’une nuance dorée avec un index doré en relief. Graduations dorées. Aiguilles « feuille » de métal doré. « POBEDA » en lettres majuscules dorées et en relie

114-K
114-K

114-K: Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 29,6mm, cardan argenté, graduations noires, index doré avec un cercle intérieur noir. Aiguilles « plume » de métal bleui. « Pobeda » en lettres cursives noire.

119-K
119-K

119-K: Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 29,6mm, cardan argenté mat avec quart parties argentées brillantes. Graduations et index noirs. Aiguilles « plume » de métal bleui. « Pobeda » en lettres cursives noire.

802-K
802-K

802-K: Boîtier de laiton chromé d’un diamètre de 32mm, cardan argenté, graduations et index noirs et aiguilles « plume » de métal bleui. Mention « 1МЦЗ им КИРОВА » à six heures. » POBEDA » en lettres majuscules noires.

803-K
803-K

803-K: Boîtier en or d’un diamètre réduit à 28,6mm, cadran argenté, graduations et index noirs et aiguilles « plume » de métal doré. « POBEDA » en lettres majuscules noires

KP-1
KP-1

KP-1 (кп-1): Version bijou. Boîtier spécial ovoïde de laiton doré encadrant la montre, bracelet spécial de métal doré. Cardan doré, index d’une autre nuance de doré. Graduations noires et aiguilles « plume » de métal doré.  « Pobeda » en lettres cursives noires.

Dans les années suivantes, le nombre de modèle va exploser, et les variations apportées au mécanisme K-26 de base va donner naissance à de nouvelles gammes (Start, Neva, Moskva, Kama, etc.). Le catalogue de 1960 en montre des dizaines, voire des centaines…

Sources :
http://watchesz.free.fr/mfa/lip_au_pays_des_soviets.htm
http://people.timezone.com/msandler/Articles/DownesLip/Lip.html http://vivreauxchaprais.canalblog.com/archives/2019/01/12/36987563.htmlhttps://forums.watchuseek.com/f10/lip-r26-vs-pobeda-12673.html

Voir ici le catalogue de 1953 (pdf)