SAG Awtowelo, dans la zone d’occupation soviétique en Allemagne

L’invasion hitlérienne a provoqué, outre un bilan humain terrible, des dégâts matériels correspondant à 30% de la richesse nationale de l’URSS. 1.710 villes et plus de 70.000 villages, 32.000 entreprises industrielles et 100.000 fermes collectives et étatiques ont été détruits.
Dès 1945, les autorités de la Zone d’occupation soviétique (SBZ,Sowjetische Besatzungszone) s’employèrent à envoyer en URSS des moyens de production et des biens de consommation à titre de réparations. Des sociétés soviétiques de droit allemand (Sowjetische Aktiengesellschaft, SAG), surbordonnées à une administration spéciale (Sowjetischen Staatlichen Aktiengesellschaft in Deutschland) furent constituées à cet effet.
Au plus fort de leurs activités, les SAG regroupaient 200 entreprises employant 300.000 travailleurs et équivalent à 20% de la production de la SBZ.
Après la fondation de la République Démocratique Allemande en 1949, les entreprises des SAG furent progressivement transférées au nouvel état, ce processus prenant fin en 1953.

Dans le domaine de l’horlogerie, la question des réparations de guerre est surtout connue par le transfert à la 1ère Fabrique de Montre de Moscou des bleus, pièces, brevets et machines servant à la production des chronographes d’aviation Urofa 59 (rebaptisés localement Type 96 ou Kirov 59).
Ces chronographes étaient produits depuis 1941 par la société Tutima, basée à Glashütte, pour l’aviation allemande. Mais les réparations se firent aussi par la production en Allemagne même de montres au bénéfice de l’URSS.

Un Kirov 59, basé sur l’Urofa 59

Pour en savoir plus sur le Type 59

La SAG de Machines de Précisions Awtowelo (contraction du russe pour « Automobiles-Vélocipèdes »), ou simplement AWO, était une SAG dont les principales entreprises étaient l’usine BMW d’Eisenach et la fabrique d’armes de chasse Simson à Suhl. AWO chapeauta bientôt d’autres fabriques: Elite Diamantwerke à Siegmar-Schönau (près de Chemnitz) la Feinmeßzeugfabrik Keilpart à Suhl, la Rheinmetallwerk à Sömmerda, la Kugellagerfabrik Böhlitz-Ehrenberg à Leipzig, la Fichtel-&-Sachs-Werk à Reichenbach et, nous y voilà, la Uhren- und Maschinenfabrik Thiel de Ruhla.
L’essentiel de la production de l’AWO a constitué en motocyclettes (les AWO 425, héritières de la BMW 250cc) et d’automobiles (un peu plus de 30.800 voitures ont été produites dans l’usine d’Eisenach de 1945 à 1955.), mais la production horlogère de Ruhla ne fut pas négligeable.

Publicité de 1951 de lAwtowelo
L’Awtowelo type 351

Les débuts de l’industrie horlogère de la vallée de Ruhla, en Thuringe, remontent à 1862 avec la fondation de la société Gebrüder Thiel GmbH, encore que cette société de fine mécanique (charnières, boîte à musique) n’a commencé à produire des montres qu’en 1892.
Cette société fut pionnière puisque c’est elle qui produisit la première montre de poche fabriquée en masse au monde, la « Sans-peur », produite de 1892 à 1914 et massivement exportée.

La montre « Sans-peur »

En 1897 déjà, 1.000 ouvriers fabriquaient 4.000 montres « Sans-peur » chaque jour, soit 1,46 millions de montres par an!
En 1908, Thiel a sorti ses premières montres-bracelets. Ils étaient basés sur les modèles de montres de poche pour femmes, et en 1911 ses premiers réveils de poche. En 1920, les montres-bracelets ne représentaient que 10% des ventes de la société Thiel. Ce chiffre est passé à 45% en 1938.

La fabrique des Frères Thiel, dans la vallée de la Ruhla, en 1910

C’est entre 1946 et 1952, que la fabrique Thiel fut sous le contrôle d’Awtowelo.
Au début, l’usine souffrait d’un manque important de personnel qualifié, car il n’y avait que 3 horlogers formés parmi les 1.500 employés de l’usine et un grand programme de formation a alors été lancé. En outre, la plupart des montres, pièces et machines d’horlogerie avaient été envoyées en URSS. Etaient produits, outre des machines, les réveil-matin modèle 6, les montres pour tableau de bord de voitures modèle 7, les montres de poche Thiel Start et Thiel Hektor et les montres-bracelet Thiel Regular, Thiel Norma et Thiel Saturn.
En 1946, la fabrique Thiel avait produit 380 machines et 655.000 montres. L’essentiel de cette production prit le chemin de l’URSS, 170.000 montres et 4 machines furent vendues en Allemagne même, et quelques centaines de montres furent exportées.
En 1947, le retour des prisonniers de guerre résolu largement le problème de personnel et la production s’éleva à 930.000 montres et 684 machines.
En 1948, 1.273.000 montres, dont un nouveau modèle, la Thiel Präzisa et 875 machines furent produites et en 1949, la fabrique avait retrouvé son niveau de production d’avant-guerre.

Des Thiel « Präzisa » produite pour l’AWO au début des années ’50
Un catalogue de l’époque AWO

C’est en mai 1952 que la propriété de l’usine de montres Thiel a été transférées de la SAG Awtowelo à la République Démocratique Allemande où elle a pris le statut d’entreprise propriété du peuple, Volkseigene Betrieb (VEB). L’usine a été rebaptisée VEB « Klement Gottwald » Uhren und Maschinenfabrik Ruhla, ou UMF Ruhla.
Commence alors une autre histoire industrielle exposée en détail ici
Ruhla continuera d’emboiter ses propres mécanismes, mais aussi des Zaria 1800 et des Slava 1600 (sans antichoc) et 1601 (avec antichoc), dans ses montres pour femmes, des années ’50 jusque dans les années ’80. Voir ici pour ces Ruhla à mécanisme soviétique.

Parmi les autres productions horlogères allemandes envoyées en URSS à titre de dommages de guerre, les mécanismes Tertienzahler pour horloges de laboratoire.

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