La première horloge fait son apparition au Kremlin en 1404, non pas sur une tour mais sur l’arc situé à l’entrée de la résidence du grand-duc Vassili. Selon les chroniques, elle a été montée et placée par le moine serbe Lazar. En 1585, des horloges étaient utilisées à trois des portes du Kremlin, Spaskaya, Taynitskaya et Troitskaya. En 1624, elles sont vendues à un monastère de de la Transfiguration à Iaroslavl. Elle est remplacée par une autre un an plus tard.
C’est 1625 que la nouvelle horloge du Kremlin est réalisée et installée sous la direction de l’architecte et ingénieur écossais Christopher Galloway. Celui-ci, envoyé par son roi James IV, reçoit une grande somme d’argent pour cette commande, le gite et le couvert au sein du palais du tsar Michel 1er. Celui-ci souhaite que l’horloge soit dotée de mécanismes particulièrement complexes. Galloway propose de surmonter le toit de la tour Spasskaya d’une flèche. Galloway employa des horlogers russes Zhdan Jdanov, son fils et son petit-fils. Les treize cloches du mécanisme de l’horloge ont été coulées par le forgeron Cyril Samoilov. Quand les travaux sont achevés, Galloway est couvert de récompenses : de l’argent, mais aussi des étoffes luxueuses. Mais un grand incendie atteint l’édifice en 1628, si bien que Galloway doit reprendre la construction.
En 1668, les horloges ont subi un réaménagement pour actionner un carillon. De nombreuses cloches de l’horloge ont été coulées comme des cloches d’église : elles portent des icônes et des reliefs. Le carillon s’enclenchait quand le premier rayon de soleil éclairait la tour Spaskaya.
Au XVIIIe siècle, le cadran qui pesait plus de 400 kilos était constitué de planches enduites de peinture bleu ciel. La durée du jour étant maximale en été, il était divisé en 17 secteurs et les heures étaient marquées par les majuscules de l’alphabet slave. Sur le pourtour, l’horloge est ornée d’étoiles d’or et d’argent, ainsi que d’un soleil et d’une lune. L’aiguille des heures est absente : son rôle est tenu par une image du soleil doté d’un long rayon. Tous les seize jours, le rapport des heures de jour et de nuit changeait et il était nécessaire de réajuster le mécanisme. Son système de fonctionnement était particulier car ce n’est pas le rayon-aiguille qui tournait, mais le cadran.
En 1705, Pierre le Grand demande à ce que l’horloge soit modifiée à la manière allemande, avec un cadran de 12 heures. La couche d’or est alors rénovée. Au cours de son voyage en Europe, le Pierre le Grand achète à Amsterdam une énorme horloge qu’il fait venir en Russie monter à Moscou par l’horloger Ekim Garnov en 1706–1709. Elle a servi, avec quelques interruptions, jusqu’au milieu du XIXe siècle. Elle fut endommagée par un incendie en 1737 et n’a été restaurée qu’en 1767. En 1776, après sa restauration par l’horloger allemand Fatz, le carillon exécutait la chanson viennoise Ah, mon cher Augustin. Pendant le Incendie de Moscou de 1812 l’horloge a de nouveau été endommagée.
Au XIXe siècle, une nouvelle horloge est installée. Le tsar Alexandre III ayant entendu parler d’un horloger français réputé pour son ingéniosité, Henri Roy, il envoie un émissaire en France pour proposer à Toy de restaurer l’horloge de la tour du Sauveur. Celui-ci accepte et est reçu en grande pompe par le tsar à son arrivée à Moscou. Les travaux de la nouvelle horloge débutent rapidement, et près d’un an plus tard, à la veille de la Noël orthodoxe, la nouvelle horloge est inaugurée.
Toutefois, on attribue également aux frères danois Butenop la réalisation de l’horloge. Ceux-ci placent, en 1825, cinq cadrans en fer sur les quatre pans de la tour du Sauveur. Les chiffres et les traits fins des minutes de l’horloge des frères Butenop sont recouverts d’or, les aiguilles en fer sont enveloppées de cuivre et couvertes de dorure. Pour des sonneries plus mélodieuses, 24 cloches ont été supprimées des tours de la Trinité et Borovitskaïa et déménagées à la tour Spaskaïa. Les carillons se composent de cloches situées au sommet de la tour, juste au-dessus de l’horloge. La plupart des travaux de restauration de la tour elle-même ont été réalisés en même temps sous la direction de l’architecte Gerasimov. Les sols métalliques, les escaliers et le socle de l’horloge ont été réalisés selon les dessins de l’architecte russe Konstantin Thon, le concepteur du Cathédrale du Christ Sauveur.
Les frères Butenop voulaient faire jouer à l’horloge l’hymne de la Russie tsariste, Dieu, protège le tsar, mais l’empereur Nicolas Ier s’y opposa. Jusqu’en 1917, l’horloge joua La Marche du régiment Préobrajenski et Gloire de Dieu, gloire de Sion quatre fois par jour.
Le 2 novembre 1917, lors de la prise du Kremlin par le Bolcheviks, l’horloge a été touchée par un obus et s’est arrêtée. L’une des aiguilles a été cassée et le mécanisme contrôlant la rotation des aiguilles a été endommagé. En août-septembre 1918, sur l’instruction de Lénine, l’horloge est par l’horloger N. Behrens. Avec beaucoup de difficulté, un nouveau pendule de 32 kilogrammes a été fait de plomb plaqué or. Le musicien Mikhail Cheremnykh transpose les musiques pour le carillon: celui-ci joue jusqu’en 1938 L’Internationale à midi et le Chant des martyrs (« Vous êtes tombés camarades… ») à minuit.
Depuis 1923, la radio puis la télévision retransmettent le son de l’horloge du Kremlin à l’occasion de chaque nouvelle année, juste après le traditionnel discours de vœux du Secrétaire général. En 1932, l’horloge du Kremlin a de nouveau été restaurée. Il fallu 28 kilos d’or pour refaire le pourtour, les chiffres et les aiguilles de l’horloge. Un nouveau cadran a été installé, une copie exacte de l’original.
A partir de 1938, les carillons ne jouaient aucun air. L’horloge sonnait simplement les heures et les quarts d’heure, le mécanisme du carillon était usé et les gelées saisonnières avaient gravement déformé le son.
En 1941, spécifiquement pour une interprétation de l’Internationale, un système électromécanique spécial avait été installé puis démonté. En 1944, sur ordre de Staline, des tentatives infructueuses ont été faites pour que le carillon joue l’hymne de l’URSS.
Une importante restauration du mécanisme de l’horloge a été effectuée en 1974 par les techniciens du Chasprom (voir ici) . Le mécanisme a été arrêté pendant 100 jours, complètement démonté et restauré, en remplacement de certaines pièces anciennes. Ces travaux commencèrent le 25 juin 1974. Il fallu remplacer plus de 1000 pièces uniques et créer un système électronique de gestion de l’horloge lié à l’Institut d’astronomie de l’Académie P. E. Chternberga. L’existence de plus d’une centaine de points de graissage, nécessitant des doses de lubrifiant variant selon les moments et la température, a conduit les spécialistes de Chasprom à mettre au point un système de lubrification automatique extrêmement complexe.
Jusqu’en 1937, l’horloge était remontée à la main deux fois par jour. Elle est depuis entièrement mécanique. Avant, les poids en fonte qui pesaient jusqu’à 200 kilos étaient remontés par un treuil spécial. À l’heure actuelle, l’horloge est remontée par trois moteurs électriques, tandis qu’un mécanisme spécial actionne les cloches tous les quarts d’heure. Le carillon compte neuf cloches : celles des quarts pèsent 320 kilos et celle des heures plus de deux tonnes . Les cadrans de l’horloge du Kremlin ont un diamètre de 6,12 mètres. Les chiffres romains mesurent 0,72 m. La longueur de l’aiguille des heures est de 2,97 m et celle de l’aiguille des minutes de 3,27 m. Le poids total de l’horloge et des cloches est de 25 tonnes. Le mécanisme est alimenté par trois poids, pesant entre 160 et 224 kilogrammes. La précision est obtenue grâce à un pendule pesant 32 kg.