A la fin des années ’50, la S.I.C.E.H., la Société Industrielle et Commerciale d’Expansion Horlogère, regroupait 12 fabricants français de composants et exportait ses produits vers l’URSS pour l’habillage des mouvements soviétiques et de montres assemblées pour le marché russe. Elle avait son siège place Saint-Pierre à la fin des années 50.
La S.I.C.E.H. embauche Bernard Le Varlet et devient, en 1961, la société anonyme Slava, à capitaux majoritairement soviétiques. Il prend comme associé son beau-frère Maurice Carruzzo.
Slava reprend l’activité de la S.I.C.E.H. d’exportation des « habillages » vers l’URSS. Mais la société développe la production et la commercialisation des montres terminées. La société importait aussi du matériel optique (photographique).
Ancien membre des services de renseignements qui s’était distingué dans la France Libre, Maurice Dejean avait contribué au rapprochement de de Gaulle avec l’URSS et œuvré pour la conclusion du pacte franco-soviétique de 1944. Ancien ambassadeur de France en URSS (de 1955 à 1959), il entre dans la direction de Slava S.A. (mais aussi dans celle de la Société Franco-soviétique de Coopération Industrielle, la SOFRACOP): après avoir fait valoir, en 1964, ses droits à la retraite de diplomate.
Au début des années 70, Slava passe totalement dans le giron soviétique, Maurice Carruzzo devient le président de la nouvelle société et Bernard Le Varlet son directeur. L’entreprise marche bien et se diversifie. En plus des montres, ce sont des microscopes, des télescopes, des tubes cathodiques, et autres produits.
De 280.000 à 300.000 montres sont vendues dès lors chaque année sous la marque Slava par la société. 80.000 seulement étaient des montres soviétiques importées (essentiellement des montres de poche, type que l’on ne produisait pas en France), le reste était des montres fabriquées à l’usine avec des calibres venant de différentes fabriques soviétiques (Slava, mais aussi Raketa) et des boitiers, cadrans, aiguilles et bracelets produits dans différentes fabriques françaises, plus particulièrement franc-comtoises.
L’usine avait fabrique une grande quantité des montres en l’honneur du Tupolev 144, mais après le crash de l’appareil le 3 juin 1973, faisant 14 morts, lors de son vol de démonstration au Bourget, ces montres n’ont pas été vendues. L’usine fabriqua et commercialisa aussi différents modèles de la marque Raketa. Le cadran de ces montres soviéto-bizontines portait « механизм cccp » (« mécanisme URSS »), ce qui les distingue de celles produits en URSS.
Slava Besançon a aussi déposé les marques Diamant, Diamant de Luxe, et Saintis, sous lesquelles elle commercialisait des montres entièrement fabriquées en URSS.
Slava s’était installé d’abord à la place Saint-Pierre, siège de la S.I.C.E.H., puis place du Jura. La première usine fut installée rue Henri Baigue mais en 1975, Slava se fait construire une usine flambant neuve 7 rue Auguste Jouchoux. Le parc industriel en porte encore aujourd’hui le nom de Slava
Les plaquettes publicitaires de la société alternaient présentation des produits et images de propagande pro-soviétique, la production était vendue en France mais aussi exportée. L’usine a aussi travaillé pour des grossistes ou des marques qui se contentaient d’inscrire leur nom sur le cadran, comme pour les premiers chronographes du joaillier Van der Bauwede qui faisait emboiter des mouvements Poljot 3133 à Besançon et les marquait « Van der Bauwede Genève »… Slava développe aussi un partenariat avec Schwarzmann Frères, une société de distribution de produits horlogers.
Socialement, le fait qu’il s’agisse d’une société soviétique ne changeait pas grand’chose: le directeur (soviétique) déclarait en 1976 à L’Expansion: « Il n’y a pas de syndicat ici, d’ailleurs cela peut attendre ». En mai 1978 a lieue un grève qui fera les choux gras des maoïstes français, ravis de dénoncer (le PCMLF dans L’Humanité rouge, et le PCRML dans Le Quotidien du peuple) ces « patrons soviétiques » qui n’avaient rien à envier au autres.
En 1982, le groupe anarchiste « Bakounine-Gdansk-Paris » fait exploser des bombes, en janvier dans les locaux de Slava rue Beaubourg, en novembre dans les locaux du boulevard Saint-Martin en soutien aux grévistes de Solidarnosc.
Au début des années ’80, l’usine employait 70 personnes pour l’emboitage, le contrôle et le service après-vente. Les mouvement mécaniques soviétiques ont progressivement fait place à des mouvements à quartz qui provenaient tous de la société France-Ébauches). La société aurait aussi commercialisé, dans les dernières années de l’URSS, des Big Zéro et des Rising Sun classiquement estampillée « made in USSR » (mais ont-elles été importées, assemblées à partir de pièces soviétiques, ou assemblées comme les autres en associant un mécanisme soviétique avec un habillage bizontin?).
En 1983, le conseil d’administration soviétique (les représentants du Mashpriborintorg) de Slava se sépare, d’abord de son directeur bisontin, Bernard Le Varlet, puis de Maurice Carruzzo quelques mois plus tard. Licencié pour des « raisons techniques », Maurice Carruzzo fait distribuer des tracts par son épouse à l’ouverture des portes de l’entreprise, le 16 août.
Une explication possible que qu’il rapproché Slava de Lip et de France-Ebauches, s’approvisionnant là en mécanisme à quartz, et créant ainsi des montres 100 % françaises, ce qui n’était probablement pas l’intérêt des Soviétiques.
Sources principales:
http://www.lallement.com/Montres/viewtopic.php?f=3&t=272&hilit=dlink&start=68700
http://www.montrespourtous.org/viewtopic.php?f=26&t=745&sid=427c3a79c28bb4b6b267a17fb06d7b70
https://www.montres-russes.org/t5244-raketa-bizontine-et-petite-histoire-de-l-usine-slava-de-besancon
Le 15 janvier 1990, est fondée la société anonyme Slava-Précision qui reprend les actifs de Slava. Elle est dirigée par M. Aubach, déjà actifs dans l’industrie para-horlogère (sociétés Interstrap et Watch Design), le président du Conseil de surveillance de la société est un Russe, M. Korolev. La société continue ses activités horlogères dans le même bâtiment de la rue Jouchoux, en important de Russie et de Hong Kong, et exportant vers le Canada, la Suisse et l’Italie, mais elle transfert ses activités optiques en région parisienne.
Slava Précision employait encore 24 personnes en 2004, mais elle est mise en liquidation judiciaire le 12 juin 2006 (procédure clôturée en 2009).