Les mouvements soviétiques de conception étrangère

Sommaire
1. Modèles adoptés suite à des accords commerciaux
2. Modèle reçu à titre de dommages de guerre
3. Modèles copiés (espionnage industriel ou rétro-ingénierie)

1. Modèles adoptés suite à des accords commerciaux

Type-1 : conçu par Dueber-Hampden dans les années ’20 (et produits avec les machines et parfois même les pièces rachetées à cette entreprise en 1929) ; c’est la première production horlogère de masse en URSS dans la Première Fabrique de Montres d’État, à Moscou.

Dueber-Hampden (photo F. Gordon)
Type-1 (photo F. Gordon)

АЧХ: En 1935, l’URSS achète des chronographes d’aviation « Chronofite » chez Jaeger-LeCoultre pour équiper son aviation militaire. Peu après, l’URSS acheta la licence de production et améliora le modèle en plaquant de l’or sur certaines pièces pour en réduire la friction. C’est la première Fabrique de Montre de Moscou, puis la Fabrique de Montres de Tcheliabinsk qui produira sur cette base toute une famille de chronographe pour l’aviation et les forces armées soviétiques.

Le « chronolite » de Jaeger-LeCoultre
un АЧХ (photo SaFonaGastroCrono)

НЧ-С Le Valjoux 61 a servi de base en 1940 pour les chronographes mono-pulsants utilisée par la Première Fabrique de Montres de Moscou. La Fabrique a d’abord emboité des mécanisme importés de suisses, puis a produits des pièces et enfin des copies du mécanisme complet durant la guerre.

Valjoux 61 (photo: forumamontres)
НЧ-С

C’est avec Lip que l’URSS passe un accord commercial en 1936 pour moderniser et développer son industrie horlogère. Voici les mouvements adoptés suite à cette collaboration qui a duré jusque dans les années ’70 (pour le savoir plus sur la collaboration avec LIP):

Zvezda: Le Lip T18 (T pour « tonneau », R pour « ronde ») est premier mouvement produit pour animer les montres Zvezda. Les techniciens de Lip travaillèrent à la Fabrique de Penza pour aider à la mise en place de la production et dans un premier temps, Penza emboîta des T18 importés de France. Calibre 1802 selon la nomenclature soviétique, il sera modifié ultérieurement en URSS.

Lip T-18
1802 (photo F. Gordon)

Pobeda K26. Le calibre Lip R-26 adopté pour une production de masse. Cette production a été retardée à cause de la guerre et, quand elle a été mise en place, les montres qui en résultèrent furent baptisées (quelle que soit l »‘usine qui les produisaient) « Pobeda » (« Victoire »). Produit sous plusieurs références (K26, 41M, 2602, etc.) , plusieurs fois amélioré ultérieurement en URSS (antichoc, trotteuse plutôt que petite seconde, etc.) où il est devenu le mouvement le plus produit (et peut-être le plus produit au monde).

LIP R-26
Pobeda 2602

En outre et selon une source spécialisée dans l’histoire de LIP (http://watchesz.free.fr/mfa/lip_au_pays_des_soviets.htm): Des calibres inspirés du Lip T15 (modèle de 1950) aurait été produit par la 2e Fabrtique de Montres de Moscou après-guerre

LIP T-15

Des calibres inspirés du Lip R25 (modèle de 1948) auraient été produites par Poljot entre 1965 et 1973 (toujours selon la même source)

LIP R-25

ЧK-6 (pour Часы Карманные – 6, autrement dit: montre de poche 6), que les ingénieurs soviétiques ont fait évoluer en Chk-28 (suivant la nouvelle nomenclature des années 60: Molnjia 3602). Quand Molnija se vit confier après-guerre la fabrication de montres militaires de précision, elle acquis la licence du Cortébert 616 (fabriqué au départ pour Rolex) qu’elle produisit et emboîta pendant 60 ans tant dans des montres bracelets (Oural par ex.) qu’à gousset. On lit parfois que ce calibre est issu du LIP R40/41, mais c’est erroné.

Cortebert 616 (photo: forum/µ.tz)
ЧK-6 (photo Etsy)

Poljot 2612 de type « signal » (avec alarme). Ce mouvement est issu du calibre suisse Shield AS1475 que l’on trouve par exemple sur les anciennes Vulcain Cricket. Sa production coïncide avec l’arrivée d’équipements achetés en Suisse pour la Première Fabrique de Montres de Moscou.

Shield AS1475 (photo CaliberCorner)
Poljot 2612 (photo UssrWatch)

Strela 3017 est issu du calibre suisse Venus 150/152. L’équipement de production du Vénus 150/152 (et les bleus correspondants) ont été importés de Suisse au milieu des années ’50. C’était une politique systématique de Vénus (et plus tard de Valjoux) d’amortir ses coûts en vendant des équipements devenus excédentaires à l’URSS et à la Chine.

Venus 152 (photo SuisseMontre)
Strela 3017 (photo CataWiki)

Poljot 3133, conçu par Valjoux sous la dénomination 7731 (et 7734?), très largement modifié par les ingénieurs de la Première Fabrique de Montres de Moscou pour le rendre apte à un usage aérospatial (en le rendant plus résistant).

Valjoux 7731 (forum watchtime)
Polljot 3133 (photo CaliberCorner)

2. Modèle reçu à titre de dommages de guerre

Type-59 chronographe de Glashutte. En 1941, la société Tutima basée à Glashütte commença la production de chronographe pour l’aviation allemande, le Type 96. A la fin de la guerre, les Soviétiques saisirent les plans et l’outillage à titre de réparation des dommages de guerre, et les affectèrent à la Première Fabrique de Montres de Moscou. La Fabrique commença la production de chronographe Tutima-Urofa en 1947, intégrant des pièces venues d’Allemagne dans des boîtiers (et avec un cadran) soviétiques. Courant 1949 les machines allemandes étaient pleinement opérationnelles et les chronographes Tutima-Urofa étaient intégralement produites à Moscou. Le calibre y était désigné Type 59.

Tutima-Urofa (photo Uhrerbe)
Type 59 de la 1ère Fabrique de Montres de Moscou (photo F. Gordon)

3. Modèles copiés (espionnage industriel ou rétro-ingénierie)

Slava 2937 « Transistor ». C’est la copie exacte (par rétro-ingéniererie) de la Bulova Accutron 214, la première montre électrique au monde, ‘tuning fork’, qui fut produite en 1960 (bien avant les mouvements à quartz).  L’histoire veut que Nikita Khrouchtchev, était revenu de son voyage aux USA avec une Bulova Accutron 214, et qu’il avait demandé aux ingénieurs soviétiques de produire la même. Le production fut confiée à la 2e Fabrique de Montres de Moscou, et se limita à 1000 exemplaires destinées à la nomenklatura. La petite histoire veut que la production était difficile parce que l’usine Slava étant construite au-dessus d’une ligne de métro, les vibrations empêchaient de travailler avec la précision nécessaire… Certain soutienne que la mise au point a été fait avec l’aide des techniciens de LIP.

Bulova 214
Slava 2937

Notons qu’une discussion continue d’avoir cours à ce sujet. En 1969 Lip fut invité à apporter ses dernières technologies en URSS et un accord en ce sens fut signé en 1972. Cette coopération dura jusqu’à la faillite de Lip en 1975 et certains soutiennent que les sovi »tiques ont conçu le Slava 2937 avec l’aide des techniciens de LIP qui était fort de l’expérience de la Lip R27 (suivre la discussion en anglais ici).

Lip R27 (photo crazywatches)


Luch 3045, calibre électronique à transistor copié du mouvement allemand Porta Junghans 600 ATO-Chron (mouvement électromécanique avec bobine fixe et commutation de transistor). Le mouvement sera affiné afin de recevoir la certification chronomètre GOST.

Junghaus 600 ATO-Chron (photo: crazywatches)
Luch 3045 (photo FMR)

Cette technologie servit aussi à la mise au point du Luch3055:

Luch 3055 (photo: crazywatches)

Vostok 2809, Dans les années ’50, Zenith produisit la première montre-bracelet chronomètre qui réussit la certification du Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres. Sans qu’on sache exactement comment, les bleus du calibre 135 Zenith finirent à la Fabrique de Tchistopol. Les ingénieurs soviétiques modifièrent cependant considérablement ce mécanisme (trois rubis supplémentaires, la petite seconde devenant une trotteuse, amélioration de la précision du mécanisme)

Zenit 135 (photo montresmecaniques)
Vostok 2809 (photo bobinchak)