Les horloges et les montres « radio room »

Les montres et horloges « radio room » (« cabine radio [de navire] » ou RR) de la Fabrique de Montres de Tchistopol comptent parmi les modèles les plus célèbres, les plus recherchés, les plus imités.

Origine du design

La deuxième Convention radiotélégraphique internationale de Berlin, signée le 3 novembre 1906 et entrée en vigueur le 1er juillet 1908, a spécifié que deux longueurs d’onde, l’une de 300 mètres (1 MHz) et l’autre de 600 mètres (500 KHz) étaient attribuées aux stations radio côtières (qui communiquaient avec les navires) et autorisées pour le service commercial des opérateurs privées.

Avec le développement du trafic maritime, cette fréquence devint de plus en plus engorgée ce qui, allié au fait que les opérateurs radio travaillaient non pas dans le cadre de l’équipage mais dans celui d’une société privée vendant ce service aux passagers, allait contribuer au naufrage du Titanic. En effet, les messages de secours étaient noyés dans le trafic radio ambiant.

La cabine radio du Titanic
Télégramme du Titanic: « Nous avons heurté iceberg – coulons vite – venez à notre aide – position Lat. 41.45 n. Lon. 50.14 w. »

Les normes internationales pour l’utilisation de 500 KHz ont donc été précisées par la troisième Convention radiotélégraphique internationale, qui a eu lieu après le naufrage du Titanic. L’accord, signé le 5 juillet 1912 et entré en vigueur le 1er juillet 1913, établissait 500 KHz comme fréquence principale pour les communications maritimes. Pour faciliter la communication entre opérateurs parlant des langues différentes, des abréviations standardisées ont été utilisées.

L’accord exigeait que chaque fois qu’un appel de détresse SOS était entendu, toutes les transmissions non liées à l’urgence devaient cesser immédiatement jusqu’à ce que l’urgence soit déclarée terminée. Et pour éviter qu’un message de détresse soit noyé dans le trafic radio, l’accord précisait en outre qu’un silence radio de trois minutes devait être observés à la fin de périodes de 15 minutes. Toute communication autre que les appels de secours était interdite, sur la fréquence 500 Khz, durant deux périodes de 15-18 minutes et 45-48 minutes. Les premières horloges « Radio room » indiquaient donc ces deux périodes en rouge sur leur cadran.

Une « radio room » première génération
Une horloge « radio room » à bord du SS Jeremiah

Cet arrangement est resté inchangé jusqu’à la conférence radio de l’Union internationale des télécommunications de 1947, qui s’est tenue à Atlantic City, où une fréquence de détresse radiotéléphonique internationale supplémentaire de 2182 kHz a été désignée. L’utilisation de 2182 KHz présente deux avantages distincts par rapport à 500 KHz, tout d’abord, il est idéalement adapté à la réception de la bande latérale supérieure et a entre trois et six fois la portée d’un signal de 500 KHz.

Deux nouvelles périodes de silence radio destinés à cette fréquence furent désignées : 0-3 minutes et 30-33 minutes. Le design des horloges « Radio-room » allaient en être modifié, ces périodes étant généralement signalées en vert ou en bleu.

Une horloge « radio room » de deuxième génération

2. Les horloges de marine « radio room » de la Fabrique de Tchistopol

La Fabrique de Montres de Tchistopol a produit des horloges de marine de type 5-ЧM (5-ChM en transcription latine) à partir de 1954.

Voir ici l’article consacré à ces horloges de marine

Une version « radio room » a été produite et effectivement embarquée sur des navires soviétiques. A la différence des horlofges « radio room » occidentales, les périodes de 2182 KHz étaient marquées en rose, et non en vert.

Comme ce modèle ne se distinguait des productions standard que par le cadran, et qu’il est particulièrement recherché, il a donné naissance à une petite industrie du faux: de faux cadrans « radio room » étant montés sur d’authentiques 5-ЧM, triplant ou quadruplant leur valeur marchande…

Les Vostok « Radio room »

La célèbre Vostok « radio room » (référence 2409A/470444) n’est pas une montre de service destinée aux marins soviétiques. Elle n’est sans doute même pas, à l’origine, destinée aux citoyens soviétiques. Le premier lot est sans doute le fruit d’une commande d’un importateur qui les destinait au marché allemand et/ou italien, alors en plein boom pour les montres soviétiques à l’allure militaire. Elles faisaient partie de la série Albatros.

Vostok « radio room » première production (collection B. Hanoï)

La première production, estimée à 8000 exemplaire, remonte à février 1990. Le stock n’a pas été écoulé en entier dans un premier temps et une partie s’est retrouvé en vente, à l’état neuf avec passeport et emballage, en 2005. Les numéros figurant au dos des montres (et sur le passeport) ne se suivent pas et n’ont pas de signification. Leur seule fonction est de lier la montre à son passeport de garantie (voir le détail d’une de ces montres).

Vostok « radio room » du premier lot de février 1990

Une seule et unique Vostok « radio room » avec un passeport de 1989 est connue, elle a une lunette noire (et non chromée comme toutes celles qui suivront); elle est considérée soit comme un prototype, soit comme portant une date erronée sur son passeport.

La deuxième série a été produite par la Fabrique de Tchistopol pour être directement commercialisée (la séquence est la même pour les Desert Shield: la production d’une modèle d’abord commandé par un importateur, puis repris à son compte par la fabrique).

La « radio room » deuxième série en couverture du catalogue Vostok 1992/93

Quelques détails permettent aisément de la distinguer.

A gauche, première série, à droite, deuxième série

Elle portent toutes les deux la mention Aльбатрос (Albatros) mais la première série porte la mention 17 камней (17 rubis) tandis que la seconde porte le logo Vostok (le B cerclé).
La photo comparative ci-dessus montre également les deux types de lunettes (une avec les chiffres, l’autre avec les pointes), ces lunettes se retrouvent indifféremment sur des « radio room » des deux séries.

Leur boîtier est le boitier 470 pour les Vostok de type Amphibia, octogonal, en acier brossé.
Quelques rares « radio room » de la première série ont été vues avec un boîtier 320, identique au 470 à ceci près qu’il est en acier poli – le doute plane sur leur légitimité: il pourrait s’agir d’un réemboîtage.
Par contre, les « radio room » de la seconde série peuvent aussi bien être emboitée dans des 470 ou des 320 octogonaux, ou, plus rarement, dans des 420 ronds (toujours de type Amphibia).

Une « radio room » deuxième série dans un boîtier 420

A chaque fois, le dos des boitiers portent les mentions:
амфибия (Amphibia)
водонепроницаемый 200 M (étanche à 200 mètres)
противоударный (anti-choc)
et le n° de la montre

Le mécanisme est le 2409A, avec un marquage particulier pour l’export, en rouge.
Il est toujours protégé par un bouclier anti-magnétique.

Ces deux séries constituent toute la produit des « radio room » soviétiques.
Mais il faut aussi compter:
– les fausses et les franken (très nombreuses)
– les « radio room » post-soviétiques, très variées, alors marquées сделано в россии (fabriquée en Russie)
– et plus spécifiquement les Generalskie (генеральские) « radio room » qui ont été produites par la Fabrique de Tchistopol pour un importateur italien. Elles dateraient (sans que cela soit certain) de 1994-95 mais portent la mention сделано в ссср (fabriquée en URSS) en raison d’un marketing un peu douteux…

A gauche, une Generalskie « radio room », à droite une « radio room » première série

Sources principales:
Vintage watch inc.
Mullard Magic

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