Nov, Aviapribor et MEMZ : Aux origines de la 2e Fabrique de Montres de Moscou

En 1920, tout ce qui concernait de l’importation et de la production de montres et d’horloges relevait de l’Administration des mécaniques de précision, le Glavtochmek (Главточмех).

Le Glavtochmek a alors autorité sur 149 petites fabriques, ateliers et entrepôts, dont les principaux sont : la 1ère Fabrique horlogère d’État « Nov » (первая государственная часовая фабрика « Новь »), ancienne fabrique Reinina (Рейнина), qui n’avait pas fonctionné depuis 1918, un atelier d’assemblage et de réparation et un dépôt de produits semi-finis pour horloges de poche et murales à l’entrepôt n°13, le stock d’accessoires et d’outils de l’entrepôt n°14, la Fabrique V. I. Platov de Charapovo (qui produisait des horloges murales paysannes de type « khodiki »), l’entrepôt de produits semi-finis et de matériaux de l’atelier P. Buhre, les Ateliers centraux de réparation (anciennement ateliers Moser) et des ateliers d’artisanat.
En 1922, la production d’horloges est lancée à l’usine Aviapribor (Авиаприбор). En deux ans, 20.700 horloges et 37.300 réveils, fabriqués à partir d’éléments importés, y ont été produits. Afin de réduire le coût de production, par la résolution du Présidium du Conseil suprême de l’économie nationale de la RSFSR du 7 avril 1924, la Fabrique Nov est fusionnée avec la Fabrique Aviapribor. Parallèlement, l’importation de montres reprend.

La fabrique Aviapribor
Une horloge « khodiki » produite par Aviapribor (avec la mention Tochmekh au-dessus de l’axe des aiguilles, et la mention Aviapribor au-dessous)

Le 9 novembre 1924, Alexei Petrovich Boutouzov, titulaire de l’Ordre du Drapeau rouge, reçoit de la Direction militaro-technique de l’Armée rouge une procuration pour créer une nouvelle fabrique de matériel radiotélégraphique à partir de la fusion entre la Fabrique de Radiotélégraphie de Moscou et les ateliers électromécaniques et horlogers de la Fabrique d’Électromécanique de Moscou. C’est la naissance de la Fabrique Électromécanique de Moscou (MEMZ). La Direction militairo-technique a attribué un bâtiment en pierre de trois étages récemment rénové à Tverskaya Zastava à l’usine nouvellement créée.

Alexeï P. Boutouzov
La fabrique MEMZ

Au début, elle ne comptait que 125 travailleurs de la production, qui étaient principalement engagés dans la réparation et la production de pièces d’équipement télégraphique, de stations de radio, de projecteurs, ainsi que dans la réparation d’horloges électriques secondaires pour l’administration du tramway de Moscou. La MEMZ sera le noyau de la 2e Fabrique de Montres de Moscou.
Lorsque la nouvelle de la création à Moscou d’une fabrique horlogère a commencé à circuler,  de nombreux horlogers ont exprimé le désir d’intégrer le projet. Les autorités reçurent de nombreuses  lettres d’artisans-horlogers provenant de différentes régions du pays. Des États-Unis de la société New Haven (avec laquelle il y avait également des propositions d’achat), est venu le concepteur de mouvements horlogers Ernst Blocher, qui a ensuite travaillé pendant trois ans dans la 2FMM.

La journal « Vechernyaya Moskva » (Вечерняя Москва ) écrivit: « Le Trust Tochmekh a besoin de travailleurs qualifiés pour les nouvelles usines horlogères. Le Trust n’a pas besoin d’artisans horlogers, il a besoin d’ouvriers horlogers. Un horloger doit avoir des qualités particulières. Il doit avoir une oreille attentive, car le mécanisme est si petit que les défauts de son fonctionnement devront être identifié par l’une ou l’autre nuance de son bourdonnement. Attention, équilibre, dextérité, précision – les mouvements de montre dépendront de ces qualités. La question des assembleurs qualifiés est particulièrement importante. Les deux fabriques en auront besoin d’environ un millier. »
La nuance entre artisans horlogers et ouvrier horloger est importante. Les méthodes de travail et les qualifications étaient différentes.
Les artisans de chez Buhre ou Moser fabriquaient deux montres par jour, tandis que les jeunes ouvriers des nouvelles fabriques, formés aux nouvelles méthodes de travail, en assemblaient 18. A l’origine, le personnel était presque entièrement composé d’hommes. Mais avec l’organisation de l’école FZU, de nombreuses filles figurent parmi les élèves et le métier s’est progressivement féminisé au point que par la suite, presque tout le personnel des fabriques horlogères soviétiques était composé de femmes.

Les cours d’horlogerie à l’école FUZ

En septembre 1929, le Commissariat du Peuple à l’Éducation souleva la question du transfert à la fiducie de Tochmekh de l’école d’horlogerie MONO, organisée auparavant par V.O. Pruss (auquel j’ai consacré un article).
Au même moment, la décision finale a été prise que les deux fabriques seraient situées à Moscou. Les autres possibilités envisagées étaient Sverdlovsk et Kiev. Sverdlovsk a justifié sa demande par la présence de personnel hautement qualifié et son emploi insuffisant, et Kiev par la présence de la Fabrique Physico-chimique (завода « Физико-химик »), qui, en plus de ses principaux produits, assemblait des réveils. La direction du Tochmekh, dans une lettre adressée au président du Conseil économique suprême, V.V. Kouibychev, se prononçait en faveur de Moscou, où il y avait déjà une production petite mais bien organisée d’horloges murales, de réveils, d’horloges électriques, avec un formé à la production de montres de poche dans les ateliers d’assemblage de montres et dans l’école FZU
En mai 1929, le Commissariat à l’Économie nationale décida que les équipements de Duber pour la production de montres de poche seraient située dans le nouveau bâtiment de la Fabrique « Geofizika » (завод « Геофизика » ), tandis que les équipements d’Ansonia « pour la production de montres de grandes dimensions et de réveils devrait être située à l’usine MEMZ. De nouveaux bâtiments devraient être construits pour ces deux fabriques.

Le nouveau bâtiment de la Fabrique Geofizika, rue Stromynka (1930-1931)

Le Tochmekh a reçu des instructions urgentes:
a) développer un projet de bâtiments à construire;
b) soulever le problème avec les autorités compétentes concernant le transfert de la Fabrique « Electrolampa » (завод »Электролампа ») pour relocaliser la production de produits non-horlogers déplacés de l’usine MEMZ.
c) le département de l’industrie métallurgique a été chargé de soumettre au présidium du Commissariat à l’Économie nationale les calculs d’allocation de crédits supplémentaires pour la construction des fabriques horlogères en 1929-1930.

Tout va très vite : en 1931 la nouvelle Fabrique « Electrolampa » est fondée (sur base d’un atelier de régénération de lampes électriques brûlées) dans le but de produire notamment un million d’ampoules électriques par an. Les activités non-horlogères de la MEMZ y sont transférées (« Elecrtrolampa » deviendra la grande fabrique de matériel optronique « Safir » qui existe encore aujourd’hui).

Le 17 août 1929, le projet d’expansion de MEMZ pour la production horlogère est approuvée au Présidium du Conseil suprême de l’économie nationale de la RSFSR. Le Commissariat à l’Économie nationale, décidant de la question de la construction d’un bâtiment sur le territoire de MEMZ, a chargé le bureau de Stroitel de remettre deux étages du bâtiment pour l’installation des équipements d’ici le 1er janvier 1930. Le bâtiment entier devait être achevé le 1er avril 1930.

Conformément au projet, le bâtiment principal de la future 2e Fabrique de Montres de Moscou d’une superficie totale de 14.000 m² (dont 2.000 m² de demi sous-sol) était situé sur le site adjacent au MEMZ, sur lequel se trouvait à cette époque l’atelier du groupe de sculpteurs chargés du monument à Karl Marx. Ce bâtiment en forme de L embrassait le MEMZ et était relié à ses bâtiments par deux passages. Le demi sous-sol était destiné aux vestiaires et aux entrepôts. La superficie totale du bâtiment a été déterminée après l’arrivée de A.M. Bodrov des États-Unis, probablement en fonction des équipements achetés à Ansonia Clock.

Le chantier de la 2e Fabrique de Montres de Moscou

La construction de la nouvelle fabrique s’est déroulée, malgré les difficultés, à un rythme accéléré. Le dernier étage était en cours de construction alors qu’on installait déjà les machines au premier!
Les membres du comité partis aux USA prendre en charge les équipements d’Ansonia Clock ont eu la surprise, à leur retour en février 1930 après une mission de 5 mois, de voir que sur un site qui était absolument désert à leur départ s’élevait un bâtiment monolithique en béton armé de 4 étages d’une surface au sol de 3.000 m².

En savoir plus sur l’achat des équipement d’Ansonia Clock aux USA

Le 25 avril 1930, sur ordre du Tochmekh, la MEMZ, le département horloger de la Fabrique Aviapribor et la nouvelle fabrique fusionnaient sous le nom de 2e Fabrique de Montres de Moscou. « Deuxième » parce que cette fondation intervient après celle de la « Première », même si, elle était l’aînée en matière de production horlogère.
La fabrique Aviapribor allait pouvoir se consacrer à la production d’instruments de mesure.
La fabrique existe encore aujourd’hui et s’est spécialisée en avionique.

Un ancien baromètre produit par la Fabrique Aviapribor

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