Poljot 2614.2H « 50 ans de ChimProm »

(collection B. Hanoï)

Poljot modèle 2614.2H/3206356 produite par la 1ère Fabrique de Montres de Moscou pour le 50e anniversaire de la fondation de Association de production « Chimprom » à Oufa (Уфимское производственное объединение «Химпром»)

Boîtier de type 3206, plaqué or
Type de fermeture du fond : Clipsé
Gravure sur le fond : 027746
Mécanisme : Poljot 2614.2H
Date de fabrication : 1992
Largeur sans couronne : 32mm
Largeur avec couronne : 35mm
Dimension de corne à corne : 39mm
Épaisseur : 10mm
Entre-cornes : 18mm

Au catalogue Poljot 1992 (sans le motif commémoratif)
Sur le cadran, le logo de ChimProm

Comme celle de nombreuses fabriques, l’histoire de « Chimprom » commence par la grande évacuation des industries vers l’Est lors de l’invasion hitlérienne.
C’est ainsi que les installations, équipements et travailleurs du Combinat chimique ukrainienne Roubezhansky (Рубежанский химический комбинат) sont transposés à Oufa, en Bachkirie, en 1942. La Fabrique d’État de l’Union [soviétique] n°768 (Государственный союзный завод №768) est alors fondée (ce qui permet de dater cette montre de 1992), avec ces travailleurs et équipements, sur la base d’un laboratoire de production d’acide sulfurique construit à Oufa en 1939.
En 1943, la production industrielle commence.
En 1948, l’usine a reçu le nom de Fabrique Chimique de l’Union [soviétique] Tchernikovski (Черниковский союзный химический завод) et, depuis 1956, de Fabrique chimique d’Oufa (Уфимский химический завод).

Gravure honorant la fabrique

Si à l’origine, la fabrique produit principalement de l’acide sulfurique et des composés d’acide sulfurique, dans les années 50, l’entreprise a commencé à produire des produits chimiques et des substances contenant du caoutchouc, du chlore liquide, des acides chlorhydriques, de l’acide chlorosulfonique, de la chloramine B.
En 1957 d’ailleurs, la Fabrique chimique «Натуркаучук» (Naturkaoutchouk), est incorporée à la Fabrique chimique d’Oufa.
La fabrique était à la pointe de l’industrie : c’est elle qui, pour la première fois en URSS, a maîtrisé la production d’acide monochloracétique, de trichloréthylène, de chlorobenzène selon un schéma continu, et de tétrachlorobenzène (ceci dans les années ‘50). La gamme de produits s’est considérablement élargie des années 70 aux années 80 : soude caustique, produits phytosanitaires chimiques (principalement des herbicides), acide monochloracétique, trichloroéthylène, chlorobenzène technique, diphénylolpropane technique, résines synthétiques et époxy, etc.

La fabrique en 1965

En 1970, le pipeline de saumure reliant Sterlitamak à Oufa est mis en service pour la production de soude caustique.
Dans les années ‘70, la fabrique est pionnière dans les méthodes de protection des équipements en titane contre la corrosion électrique.
Depuis 1979, la fabrique prend le nom d’Association de production « Chimprom » à Oufa (Уфимское производственное объединение «Химпром»).
Elle gardera ce nom jusqu’en 1992 – et c’est ce nom qui est sur la montre.

L’entrée de la fabrique

La deuxième moitié des années ‘80 a été marquée en Bachkirie par une vague de protestations environnementales.
La région était saturée de raffineries du pétrole, d’usines chimiques et pétrochimiques, tandis que les considérations de sécurité environnementale et de protection de l’environnement étaient négligées. Rien qu’à Oufa, sur une étroite parcelle dans la zone industrielle du Nord, il y avait, outre la Fabrique Chimprom, trois raffineries de pétrole, une fabrique d’alcool synthétique et un certain nombre de petites industries. Les habitants de la partie nord de la ville – Tchernikovka – se plaignaient constamment de la pollution de l’air.

Oufa, centre d’industries chimiques

Fin avril 1990, l’eau des robinets des habitants d’Oufa avait l’odeur et le goût du phénol. À la fabrique Chimprom, le phénol était utilisé pour produire des herbicides. Il venait de la fabrique Sintezspirt, situées à 3-4 km de là.
Quelques semaines plus tôt, pour entamer une réparation des installation, les conduites de phénol avaient été déconnectées des réservoirs de la Fabrique Chimprom. Mais un fois les réparations achevées, on avait  oublié de les reconnecter… Et quand l’ordre a été donné à Syntezspirt d’envoyer du phénol, tout s’est déversé sur le sol. Le pompage a été interrompu d’urgence, mais il n’a pas été possible de tout nettoyer, car le phénol gelé ressemble tant à la neige décongelée qu‘ils sont indiscernables.
Au dégel, tout le phénol qui n’avait pas été enlevé a fondu, a coulé dans les égouts , puis dans la rivière Shugurovka jusqu’à Oufimka, où se trouve la prise d’eau du sud, qui fournit plus de la moitié de la ville d’Oufa. Le phénol est une substance toxique. Sa teneur en eau ne doit pas dépasser 0,001 milligramme par litre (ce qui est tout juste tolérable par l’organisme). A Oufa, elle était 0,032 milligramme par litre…
Les rassemblements et de protestations ont commencé. En avril, il y a eu deux rassemblements de milliers de personnes sur la place Sovetskaya, puis le 1er mai devant le palais Ordzhonikidze. Ensuite, toute la place devant le théâtre dramatique russe était pleine de monde. Les étudiants des universités médicales, pédagogiques et d’aviation se sont révoltés. Environ 2.000 étudiants ont marché de leurs universités au monument de Lénine au Conseil municipal.

Manifestation contre la pollution à Oufa, au printemps 1987

Les autorités ont fermé l’approvisionnement en eau.
Elles ont commencé à livrer de l’eau dans des réservoirs, et toute la ville est sortie pour s’approvisionner en eau tandis que les protestations continuaient : une chaîne humaine de 40 à 45.000 personnes s’est formée de la fabrique Chimprom au centre de la ville.
Le 2 juin, la « Décision gouvernementale n°556 sur l’amélioration de l’écologie des villes d’Oufa et de Blagoveshchensk » a été adoptée mais en août, un nouvel accident grave se produisait, celle fois à la Fabrique Sintezspirt : Un incendie et une série d’explosions dévastent l’usine du pulvérise du phénol dans l’environnement, brûlant et intoxiquant, parfois gravement, 160 travailleurs et pompiers.

La chaîne humaine de protestation reliant la fabrique Chimprom au centre-ville de Oufa

En 1993, après la chute de l’URSS, la fabrique devient « Entreprise de production d’état de Oufa » ( Уфимское государственное производственное предприятие.), puis en 1997 : « Entreprise unifiée d’état de Oufa » (Уфимское ГУП.) et, en 1998, le nom qu’elle a porté jusqu’à sa liquidation : Ufakhimprom OJSC (ОАО «Уфахимпром»).
En 2004 en effet, la fabrique a été déclarée en faillite et cesse ses activités. Les installation de production de DFP (diphénylolpropane) sont transférés à la fabrique Bashneft-UNPZ.
Le terrain de la fabrique est aujourd’hui à moitié loué, à moitié abandonné. Il s’y trouve toujours de grandes quantités de produits chimiques dangereux…

La fabrique ChimProm à l’abandon

Beau bracelet métallique, soviétique, d’origine, doré et marqué « Полет » à l’extérieur et сталь нержавеющая (acier inoxydable) et cделано в cccp (fabriqué en URSS) à l’intérieur.