L’ordre du gouvernement N°200 du 5 mars 1945 décidait la création d’un fabrique horlogère en Arménie soviétique, à Erevan et une autre à Léningrad (la Fabrique de montres électriques de Léningrad, future Chronotron).
Dans les années 50, la Fabrique horlogère d’Erevan (Ереванский часовой завод = ЕЧЗ) était devenu une immense entreprise, spécialisée dans la production de réveils matin et horloge de bureau de marque Sevani, Nairi, ЕЧЗ, mais aussi Erevan, Certix, Titania, Redox et Allegro (pour l’exportation).
Elle avait une capacité de production de 2,5 millions de réveils par an et exportait de 82 pays.
Ses modèles les plus célèbres sont le Sevani 6073 (avec un calibre à rubis) et le Sevani 5672 à 11 rubis, qui avait, en plus de la sonnerie, un dispositif musical. Un tel dispositif était aussi monté sur des réveil de marque Nairi.
Voir un réveil mécanique musical « Naïri »
Le Naïri est une région/nation mentionnée en 1400 avant JC, située à l’ouest de Van, idéalisée dans la littérature arménienne.
La fabrique d’Erevan ne produisant pas de mouvements, elle emboîtait dans ses réveils-matin des mécanismes produits par la Fabrique de Mécanisme de Précision « Tochmash » de Vladimir.
Pour en savoir plus sur la Fabrique « Tochmash » de Vladimir
La Fabrique d’Erevan produisit aussi de belles et rares montres-bracelet en or pour hommes et pour femme de marque Nairi et, plus rarement, de marque Erevan. L’usine d’Erevan ne fabriquant pas de mouvement, ces montres emboîtaient des calibres produits par les fabriques de Moscou N°1 (2409, 2614.2H,…) et d’Ouglitch (1601, 1601A).
La ligne de production des montres Nairi, à Erevan, a appartenu à une entité distincte de la Fabrique horlogère d’Erevan, qui s’appelait Ереванский завод художественных часов : Fabrique de montres d’art d’Erevan. Cette ligne de production fabriquait aussi des bracelets et des pendentifs en or qui étaient envoyés à d’autres Fabriques de montres (par exemple celle d’Ouglitch) pour y insérer des montres pour dame.
Après l’effondrement de l’URSS, l’usine arrêta ses activités en 1991, puis les reprit sur une moindre échelle ; elle a été privatisée en 1995, des capitaux suisses s’y sont investi, et l’usine continue à produire, employant 450 personnes mais une nouvelle fermeture est vite survenue. Voici la fabrique abandonnée (source)
Témoignage d’une ouvrière
Je m’appelle Emma Zakarian, j’ai 71 an, j’ai travaillé dans la fabrique de montres d’Erevan, en Arménie. J’avais environ 35 ans quand j’ai commencé à y travailler. J’avais choisi ce travail. C’était une usine propre. J’ai travaillé sur divers petites réveils-matin. Il y avait trois étages et de nombreuses pièces. Dans chaque pièce il y avait un type différent de travail. L’usine était un grand bâtiment gris, isolé, avec d’immenses portes en façade.
Je travaillait sur le ruban convoyeur. Les gens étaient assis sur deux files, de chaque côté de la machine. Pendant trois jours, nous devions être certaines que toutes les réveils fonctionnaient, et si il y en avait qui ne fonctionnaient pas correctement, nous devions les renvoyer pour qu’ils soient réparé. Tout devait être propre. Si vous constations que les réveils fonctionnaient parfaitement, alors nous les envoyions pour qu’ils soient vendus. Il y avait beaucoup de personnes qui travaillaient là, peut-être une centaine qui s’occupaient de deux cent montres. Je devais travailler 8 heures par jour. La fabrique n’était pas loin de ma maison : seulement à trois rues de distance.
Nous avions un instructeur qui nous venait nous expliquer comment améliorer notre travail, parce que chacun fait une partie de la tâche, et que si une personne faisait quelque chose de travers, cela affectait tout le monde. J’ai travail dans deux postes différents. Le premier où l’on réparait les montres, le second où on les montait. Nous vérifions si tout fonctionnait parfaitement. Dans une pièce il y avait toutes les montres dont nous devions nous occuper. Nous devions nous en occuper pendant huit heures, et il n’y en avait pas qu’une ou deux, mais beaucoup. Nous n’étions que trois dans cette pièce.
Toutes les sections étaient dans la même usine, juste à des étages différents. Travaillant avec le ruban convoyeur, nous devions travailler rapidement pour ne pas sauter quelques montres. S’il y avait une erreur, nous entraidions et corrigions cela rapidement ensemble, comme un groupe.
Dans l’usine, il avait-il beaucoup de monde, surtout en groupes, parce qu’il y avait beaucoup de montres. Dans la section où mon groupe et moi vérifions une dernière fois les montres, nous n’étions que trois. Le temps filait. Ce n’était pas très strict, nous nous installions ou nous asseyions à notre convenance.
Nous avions eu un temps déterminé pour manger, et des pauses d’environ une demi-heure. Nous nous chronométrions nous-même, ce qui était une façon pour nous de vérifier si les montres fonctionnait bien. Si quelqu’un avait besoin d’aller aux toilettes hors des temps de pause, il demandait à un autre de surveiller son poste pendant un moment, parce que si il partait simplement, tout le monde était dans l’embarras. Nous veillons les uns aux autres.
Si nous étions malades, une autre personne venait prendre notre place pour la journée. Il était essentiel que quelqu’un soit là tout le temps. Si c’était un de ces jours où vous étiez allé au travail, et où vous aviez commencé à vous sentir mal, vos collègues de travail aidaient.
Je n’ai jamais été blessée en travaillant là parce que je travaillait sur de petites montres et sur des réveils-matin. Comment quelque aurait-il pu se blesser ? La fabrique était très propre, mais ma santé n’était pas très bonne. Je ne pouvais aller travailler dans un endroit sale où l’on était payé mieux parce que je surveillais ma santé pour ne pas être une personne dont on devrait prendre soin.
Quand nous attendions que le ruban convoyeur se mette à tourner, nous pouvions nous asseoir et papoter. Nous n’étions pas toujours occupées. La fabrique était très bruyante. Le bruit des machines nous gênait quelquefois, mais quand nous parlions entre nous, nous ne le remarquions pas.
Les hommes et les femmes avaient un travail égal. Ils pouvaient travailler dans toutes les sections. Tout ce qui était requis était une bonne coordination entre l’oeil et la main. Parfois deux personnes travaillaient ensemble à une même montre.
Une journée typique commençait par le lever du matin, la préparation du casse-croûte et la sortie précipitée de la maison. J’étais amie avec mes collègues et nous partagions la nourriture. Je faisait le repas pour mes amies un jour et les autres jours elles le faisaient pour moi. Durant le repas, nous parlions de nos familles, de nos amis, ou simplement de ce qui s’était passé à la maison parce que durant les heures de travail, il n’était pas toujours possible de s’asseoir et discuter. Nous nous aimions bien et ainsi le travail ne nous a jamais ennuyé. Il y avait quelquefois des promotions lorsque le travail avait été très bien fait.
Il était assez facile d’obtenir un travail là parce que la fabrique avait besoin de nombreux travailleurs. Je n’ai jamais travaillé dans un poste dur, parce que je savais qu’après une longue journée de travail, je devais rentrer à la maison et m’occuper de plein de tâches domestiques. Quelques rares fois, il nous ont appelé au travail un samedi, mais jamais un dimanche. Mon mari était hospitalisé et je devais seule prendre soin de toute ma famille.