Une Fabrique TTK est un Fabrique de Pierres Techniques de Précision (завод точных технических камней), dont la production consistait ntamment (et parfois principalement) en rubis d’horlogerie.
Les rubis d’horlogerie
En horlogerie, les axes du balancier et des roues sont fixés dans des rubis percés. Le fait que le rubis soit lisse et extrêmement dur (il s’agit de la pierre la plus résistante après le diamant) permet de minimiser le frottement. De plus, il n’est pas conducteur, ne se dilate pas et est résistant aux changements de température et aux acides. La durée de vie de la montre et sa précision s’en trouvent ainsi améliorées.
En 1902, Auguste Verneuil invente le corindon synthétique. Cette pierre synthétique est aussi dure que le rubis, le chimiste français y ajoute simplement un colorant, l’oxyde de chrome, pour lui donner une couleur rouge intense. Le cours du rubis ayant trop augmenté dans les années 1920, l’emploi de rubis synthétiques va se généraliser en horlogerie.
L’URSS se lance dans la production de rubis synthétique à la Fabrique chimique de Tchernorechensky, qui seront fournis aux fabriques qui les vont polir, tailler et percer: les TTK.
Voir ici l’histoire de la Fabrique chimique de Tchernorechensky
La TTK-1
La première TTK était en fait la très ancienne Fabrique de Lapidaires de Petrodvorets. Elle pris le nom de TTK-1 en 1935, dans le cadre des premiers grands plans d’industrialisation de l’URSS.
Voir ici l’histoire de la Fabrique de Montres de Petrodvorets
La Fabrique de Lapidaire de Petrodvortets produisait déjà des pierres précieuses à usage technique, mais la fondation des 1ère et 2e fabrique de montres à Moscou avait fait exploser les besoins en rubis d’horlogerie et en 1932 commença à Petrodvorets la production de rubis synthétiques.
En 1934 la fabrique maitrise la technique de la production des pierres en ellipses et en 1935 donc, elle prend le nom de Fabrique TTK-1 qu’elle gardera jusqu’en 1954.
C’est ce qui explique que les premières montres produites à Petrodvorets portent la marque TTK-1.
C’est en 1949 que la TTK-1 commence la production de Pobeda et on sait que la 1FMM a approvisionné la fabrique de Petrodvorets en ébauches, pièces et/ou mécanismes jusqu’au second trimestre 1954, la production des mouvements marqués TTK, entamée semble-t-il en 1950, n’aurait décollé qu’à partir de 1953. C’est fin 1954 que la TTK prend le nom de Fabrique de Montres de Petrodvorets, mais des mécanisme marqués TTK-1 seront encore produits et emboités en 1955.
La TTK-2
A la veille de la seconde guerre mondiale, la TTK-1 ne fourni pas que l’industrie horlogère en pierres précieuses pour mécanismes de précisions, mais plus de de 200 fabriques à travers tout l’URSS.
Cette production, quoique massive, étant insuffisante pour les besoins croissants de l’industrie. Aussi, en décembre de 1937, le Conseil des commissaires du peuple a décidé de construire une nouvelle fabrique TTK.
La Fabrique d’État de l’Union [soviétique] de Pierres de Précisions N°2 (TTK-2), est donc créée dans la ville d’Ouglitch avec l’aide de la Fabrique de Montres de Penza qui fournit notamment le savoir-faire et l’équipement industriel. La fabrique est opérationnelle en 1940.
Voir ici l’histoire de la Fabrique de Montres d’Ouglitch
La Fabrique commença au début des années ’50 une production de montres de petites tailles (16mm) de marque Zvezda, pour femmes, en emboîtant des mouvements de la Fabrique de montres de Penza, (les descendants du fameux Lip T-28). Les premières de ces montres portent sur le cadran le signe TTK-2.
La TTK 2 a produit des pierres de 1937 à 1949, et a commencé en plus une production de montres de 1950 à 1953. Elle prendra plus tard le nom de Fabrique de Montres d’Ouglitch.
La TTK-3
Début juillet 1941, les nazis avancent vers Leningrad. Le vice-ministre Kozlov donne l’ordre d’évacuer la moitié des équipements et du personnel de la TTK-1.
L’évacuation par voie ferrée vers l’Oural n’était pas possible en raison de la présence des troupes fascistes près de Moscou. Les machines et les travailleurs ont voyagé sur la Volga jusqu’à Oulianovsk sur la Volga, et puis par chemin de fer à Chrysostome.
L’équipement a été démonté et emballé en 8-10 jours et, accompagné de quelques centaines de travailleurs travailleurs et de leurs familles, il est embarqué dans quatre vieilles barges en bois remorquée par un bateau à vapeur.
Le deuxième jour du voyage, le convoi subi un raid de l’aviation allemande dans la région de Rybinsk. Quelques jours plus tard, le convoi est touché par une bombe lors d’un seconde bombardement à hauteur de la ville de Gorki. Le convoi arrive à destination pour le 24e anniversaire de la révolution : la ville de Kusa, dans le district de Kusinsk (région de Tcheliabinsk)
L’installation fut extrêmement pénible : l’hiver était arrivé bien plus tôt que prévu, et il y avait de fortes chutes de neige et l’eau commençait à geler. Il a fallu débarquer hommes et matériel à 35 km de la gare la plus proche.
La fabrique devait être installée dans le bâtiment du « club » (centre social et culturel) de la ville de Kusa. L’inspection du bâtiment montra que le projet était irréaliste : la construction du bâtiment n’était pas achevée et il n’y avait ni personnel ni matériaux pour le finir rapidement.
Le comité exécutif de la ville de Kusa attribua alors un bâtiment à deux étages (qui après-guerre allait regrouper les services administratifs de l’usine) et différents espaces pour que la production puisse commencer au plus vite.
Au rez-de-chaussée du bâtiment a été installé l’atelier de taille de pierre, des magasins et d’autres ateliers aux étages. L’atelier de réparation mécanique a été installé au sous-sol de l’orphelinat de la ville, un atelier d’abrasion dans les anciens entrepôts des archives, dans le sous-sol du comité exécutif du district. L’administration et la gestion de la fabrique ont été installé dans les locaux du bureau de recrutement militaire.
Toutes les festivités de l’anniversaire de la révolution ont été annulées dans la ville. Les équipements ont été amenés à pieds d’oeuvre par tous les moyens possibles : véhicules hippomobile ou automobile, voire à dos d’hommes.
Il a encore fallu quelques jours pour installer les produire et installer socles de fontes et les châssis en bois nécessaires à l’installation des machines.
L’organisation de la production a été organisée en deux équipes de 12 heures avec une heure de pause pour le repas.
Le responsable du Département de la Défense du Comité régional du Parti de Tcheliabinsk, Malkevich, s’était déplacé pour superviser l’installation de la fabrique.
Le 15 mai 1942, l’usine de Kusa, dont le nom officiel était « Fabrique 823 du Ministère de l’Arme des Mortiers » (Ministère qui avait la tutelle de toute l’industrie horlogère en grande partie reconvertie dans la production de fusées pour projectiles d’artillerie) a commencé la production.
A l’été 42, la seconde partie de l’équipement et du personnel de la TTK-1 a pu se rendre à Ouglitch où elle a intégré la TTK-2. Fin 1942, quelques autres équipements et travailleurs de la TTK-1 rejoignait les nouvelles installations improvisées de Kusa.
Alors que la production de pierres avait commencé à Kusa, la construction du bâtiment du club de la ville avait repris. Au fur et à mesure de l’avancement du chantier, les ateliers y ont déménagés sans perturber le rythme de production. Pour augmenter la production, en 1945, les rubis sont substitué aux agates.
En 1947, ce sont les trois TTK : Petreodvorets (TTK-1), Ouglitch (TTK-2) et Kusa (devenue la Fabrique de pierres techniques de précision de Kusa – Кусинский завод точных технических камней – ou TTK-3) qui produisent des rubis.
En 1948 la production se développe en quantité et qualité.
En 1949, l’URSS ne doit plus importer de pierres techniques, et dès 1950, elle commence à en exporter.
A partir de 1948-1950 une nouvelle technologie de taille des diamant (nécessaire notamment pour les trépans de l’industrie pétrolière) est introduite à Kusa, qui augmente considérablement la production.
Une nouvelle avancée technologie a lieu en 1959 lorsque les outils à commande manuelles K-4 sont remplacé par des dispositifs semi-automatique K-129 – encore améliorés en 1978.
La Fabrique de pierres techniques de précision de Kusa a poursuivi ses activités, des premières agates montre mécanismes horlogers elle est passée à la production d’équipement de pointes comme des corindon pour la microchirurgie des yeux.
Les photos de la fabrique TTK-3 au musée virtuel kusa : https://ok.ru/profile/567753681508/statuses/66819525790564