Un horloger régicide: Iakov Iourovski

Iakov Iourovski est le huitième enfant d’une famille juive traditionaliste de dix enfants. Son père est vitrier et sa mère couturière. Il méprise très tôt les autocrates alors que sa famille voue un culte aux Romanov, ce qui provoque des querelles dans la famille… Il étudie l’horlogerie dans une école juive de Tomsk et trouve du travail dans un atelier de la ville.

Le Tomsk d'avant la révolution
Le Tomsk d’avant la révolution

En 1897, il mène les premières grèves dans la ville. Arrêté, libéré après quelques mois, il est renvoyé de son atelier et s’installe à Iekaterinbourg, grande ville industrielle de l’Oural dotée d’un puissant mouvement ouvrier. Il y trouve un emploi de bijoutier. Il semblerait qu’il ai d’abord été membre de l’organisation militaire du Bund, puis, à l’instar de Sverdlov (son ami proche), il a rejoint les bolcheviks.
Il travaillait clandestinement à la diffusion de la littérature marxiste, mais la répression le contraint de quitter la Russie et s’est installé à Berlin, où, avec toute son épouse, Maria Yakovlevna, et leurs trois enfants. Là il se converti au luthéranisme et transforme son nom de Yankel Chaimovitch en celui de Iakov Mihaïlovitch.

En 1912, il est rentré illégalement en Russie, à Tomsk. Je ne sais pas si sa conversion et son changement de nom étaient un calcul pour lui permettre de rentrer en Russie au nez et à la barbe de la police. Mais il est quand même retrouvé et arrêté par des agents de l’Okhrana. Finalement, il est expulsé de Tomsk avec la permission de choisir un lieu de résidence. Il s’est donc retrouvé à Iekaterinbourg, où il a ouvert une boutique d’horloger doublé d’un salon de photographie. Parfois, les gendarmes, qui le tiennent à l’oeil, lui amène des suspects et des prisonniers à photographier, mais au même moment, son officine servait d’atelier de fabrication de faux papiers pour l’organisation clandestine du parti bolchevik…

En 1915, il est, enrôlé dans l’armée, s’inscrit dans la formation médicale et est assigné au 198e régiment d’infanterie de Perm. Il participe à la campagne des Carpates en 1916 et se montre un agitateur actif parmi les masses de soldats. Dans le chaos suivant la révolution de février 1917, en mars, il quitte l’armée et retourne à Iekaterinbourg. Il y vend son commerce et, avec l’argent récolté, il a fonde une imprimerie bolchevique : Le Travailleur de l’Oural.

En avril 1917, Sverdlov, alors au Comité central du Parti bolchevique, arrive à Iekaterinbourg pour organiser des délégués à la Conférence panrusse. Dans le même temps, Sverdlov s’emploie à préparer la révolution bolchevique dans l’Oural. Le Soviet de l’Oural se dote d’un département militaire dirigé Philip Goloshchekin, et dont Iourovski devient l’adjoint. Pour équiper les ouvriers de la garde rouge de l’Oural, ils saisissent les armes dans les trains qui se rendaient au front.

Iourovski en 1918
Iourovski en 1918

Pendant la révolution d’octobre, le Comité révolutionnaire militaire de l’Oural, qui comporte cinq bolcheviks, dont Iourovski, quelques anarchistes et quelques socialistes-révolutionnaires socialistes de gauche, s’empare du pouvoir, puis le transmet Soviet de l’Oural (au « Conseil des ouvriers, paysans et soldats de l’Oural »).
Fin novembre, des élections ont eu lieu dans l’Oural. Les bolcheviks remportent ces élections et c’est Pavel Bykov, ancien membre du Comité révolutionnaire militaire de Saint-Pétersbourg, a été élu président du Soviet. Bykov avait organisé le bombardement du Palais d’hiver de la forteresse Pierre et Paul et a participé à son assaut. Il était alors dans l’Oural avec le mandat du représentant du gouvernement central.

Iourevski est élu et, au début de 1918, outre ses responsabilité dans le Parti et au Soviet de l’Oural, il prend des responsabilité au Commissariat à la justice et à la Tchéka régionale. Au début de juillet, il est responsable de la villa Ipatiev, où sont détenus la famille de Nicolas II et leurs derniers serviteurs.
Sa nomination allait dans le sens d’un durcissement des conditions de détention de la famille impériale. « Ils ont mis une barre d’acier sur la seule fenêtre que nous avions, a écrit l’impératrice Alexandra dans son journal peu de temps après sa rencontre avec Iourovski. De toute évidence, ils ont constamment peur que nous prenions la fuite ». D’un autre côté, Iourovski, homme de principe, empêchait les gardes de voler de la nourriture aux prisonniers, ce qui arrivait souvent sous son prédécesseur.
Iourovski décrira plus tard ainsi la famille impériale : « Mon impression générale était la suivante : une famille ordinaire, je dirais une famille bourgeoise… Nicolas lui-même ressemblait à un petit officier subalterne… Personne n’aurait dit que cet homme avait été tsar d’un pays aussi énorme pendant de nombreuses années ».

La famille impériale
La famille impériale

Mais l’Armée blanche de l’amiral Koltchak et l’armée tchécoslovaque avant sur Iekaterinbourg. Le 16 juillet, il reçoit de Moscou, l’autorisation signée par Sverdlov d’abattre le tsar et, du Soviet de l’Oural, celui d’abattre toute la famille impériale. L’exécution a lieu dans la nuit du 16 au 17 dans l’une des pièces du sous-sol de la maison Ipatiev. Il abat lui même Nicolas II avec son Mauser. Il décrira l’exécution dans son rapport (parlant de lui à la 3e personne comme « le commandant »):
« Le commandant a déclaré aux Romanov que, alors que leurs proches en Europe continuaient à attaquer la Russie soviétique, le gouvernement bolchevique de l’Oural avait donné le verdict de les fusiller. Nicolas s’est tourné vers la famille, puis vers le commandant en demandant : « Quoi? Quoi? ». Le commandant a répété… puis le tir a commencé, durant deux ou trois minutes. C’est le commandant qui a tué Nicolas sur le coup ».
Les victimes sont au nombre de onze : le tsar et la tsarine, leur quatre filles et le tsarévitch, leur médecin et trois domestiques. Aussitôt l’exécution terminée, Iourovski s’emploie à rendre impossible la découverte et l’identification des corps. Iourovski part ensuite pour Moscou, emmenant avec lui les biens des Romanov (une demi livre de diamants cousus dans la doublure des vêtements du tsarévitch). Il est également chargé de convoyer jusqu’à la capitale l’or des banques de l’Oural et les archives du Parti. Le départ de ces valeurs de l’Oural a provoqué une rébellion à Iekaterinbourg.
Les adversaires des bolcheviks affirmaient que ceux-ci volaient les travailleurs. C’est l’époque du soulèvement anti-bolchevik des socialistes-révolutionnaires dans la région de Yaroslav. La Tchéka, co-dirigée par Iourovski réprima rapidement et brutalement cette rébellion à Iekaterinbourg. Mais les événements se précipitent et une semaine après, le 25 juillet 1918, des Blancs prennent Iekaterinbourg.
Iourovski est alors à Moscou. Il y a remis personnellement les diamants de la famille impériale au commandant du Kremlin P. D. Malkov. A Moscou, il devient membre de la direction de la Tchéka de Moscou. C’est là qu’il écrit un compte-rendu détaillé des circonstances entourant la mort des Romanov. Il y décrit également le site où il a enterré les corps et le moyen de les retrouver. C’est grâce à ce document les dépouilles seront retrouvées en mai 1979.

L'amiral Koltchak passe ses troupes en revue
L’amiral Koltchak passe ses troupes en revue
Soldats rouges sur le front oriental
Soldats rouges sur le front oriental

Mais l’Armée rouge reprend l’offensive et l’ascendant. Un grand raid de cavalerie menace le flanc de Koltchak. Le 2e armée rouge avance sur Iekaterinbourg et doit mener des combats acharnés. L’approche de l’Armée rouge incite les Blancs a se livrer, du 10 au 14 juillet 1919, à un pogrom, massacrant environ 2.200 personnes dans la ville. Pour finir, c’est un nouveau mouvement tournant, par des chemins de montagne, qui décidé de l’issue de la bataille. Les Blancs sont menacés d’être coupés de leurs arrières et sont contraint d’abandonner la ville. Dans la soirée du 14 juillet, la 28e division rouge entrait dans Iekaterinbourg. Lorsque les bolcheviks reprennent Iekaterinbourg (qui, de 1924 à 1991, sera rebaptisée Sverdlovsk), Iourovski y prendra diverses fonction, mais y reprendra aussi ses fonctions dans la Tchéka.
En 1921, il est de retour à Moscou pour diriger le Fonds d’État des métaux précieux avec mission de mettre en ordre les valeurs qui y étaient stockées.

Ce portrait présumé de Iourovski est attribué à Casimir Malevitch!
Ce portrait présumé de Iourovski est attribué à Casimir Malevitch!

En 1923, Iourovski devint président du département commercial de la Direction des devises du Commissariat du peuple aux affaires étrangères. Il aura aussi plusieurs fonctions annexes d’administration et de contrôle, comme à la Fabrique « Krasny Bogatyr » où, en 1926, au Trust d’État des Mécanismes de Précisions (Gostrust Tochmekh) qui avaient en charge la production horlogère.

Pour en savoir plus sur le Tochmekh, cliquer ici

A partir de 1928, il travaille comme directeur du Musée polytechnique de Moscou. Souffrant d’une maladie du cœur et d’ulcères d’estomac, il est admis à l’hôpital du Kremlin en 1937. Il y décède le le 2 août 1938, d’une perforation d’un ulcère duodénal.

Sources principales:
https://ru.wikipedia.org/wiki/%D0%AE%D1%80%D0%BE%D0%B2%D1%81%D0%BA%D0%B8%D0%B9,_%D0%AF%D0%BA%D0%BE%D0%B2_%D0%9C%D0%B8%D1%85%D0%B0%D0%B9%D0%BB%D0%BE%D0%B2%D0%B8%D1%87#cite_note-5
https://fr.rbth.com/histoire/83208-iakov-iourovski-homme-qui-a-execute-famille-imperiale-russe