Les Kirovskie des Stilyagui

Les Kirovskie à boîtier crabe qui, à la fin des années 50 et au début des années 60, se déclinaient en plusieurs coloris, est devenue l’accessoire phare d’un groupe connu sous le nom de Stilyagui (en russe : стиляги).

(photo: WUS)

Les stilyagui animaient une subculture subversive qui s’est développée au sein de la jeunesse des grandes villes soviétiques dès la fin des années 1940. Ils s’opposaient aux codes moraux imposés par le régime en place ainsi qu’aux tenues vestimentaires très strictes et uniformes de l’époque, et valorisaient la culture occidentale.

L’une des raisons de leur fut le développement des relations internationales en URSS, pendant et après la guerre. De plus en plus de diplomates, de délégations se rendaient dans des pays non-soviétiques. En outre, les soldats victorieux revenant de l’Ouest ramenèrent avec eux de grandes quantités de tenues, de chaussures, qui contribuèrent aux premières gardes-robes des stilyagui. Les disques vinyles étrangers avec des musiques de jazz devinrent aussi très en vogue après la guerre.

Il existe plusieurs origines possibles du terme « stilyagui ». À l’époque stalinienne, on considérait qu’ils furent appelés ainsi car ils s’habillaient avec « style ». Pourtant ce terme n’est apparu (dans un sens dénigrant) qu’en 1949 dans le journal satirique soviétique Krokodil. Ce nom a par la suite commencé à être utilisé dans les soirées entre jeunes, désignant les personnes qui osaient danser avec « style », c’est-à-dire pratiquant une danse différente de la valse ou de la polka.

Dans les premières années suivant l’apparition des stilyagui, leur style vestimentaire fut très critiqué : pantalons larges et colorés, vestes amples, chapeaux à bords larges, chaussettes de couleurs improbables, cravates horribles, etc. Ce style était plutôt une caricature de la mode américaine telle qu’elle était vue à travers le cinéma.
À la fin des années 1950, le style évolua pour devenir plus élégant. Les hommes revêtirent des pantalons cigarettes, des vestes longues, des cravates fines, des hauts colorés ainsi que des chaussures à larges semelles. La coupe de cheveux privilégiée était la banane. Les femmes se maquillaient beaucoup, portaient des robes colorées et des jupes moulantes. Leur coiffure était le chignon ou la queue de cheval. Dans les années 1960, ils adoptèrent entièrement le style rock’n’roll.

La musique de l’orchestre de Glenn Miller fut très appréciée par les stilyaui dans les années 1940 et 1950. Duke Ellington et Benny Goodman, le fox-trot allemand ainsi que le tango étaient également très appréciés. Plus tard, avec l’apparition du rock’n’roll, les stilyagui s’approprièrent également ce style avec des compositeurs tels que Bill Haley, Elvis Presley ou encore Chuck Berry.
Cependant, en URSS les disques vinyles étaient très rares, c’est pourquoi dans les années 1950, les stilyagui commencèrent à récupérer dans les poubelles des hôpitaux, les radiographies des patients pour y graver les musiques à la mode. Ce phénomène était appelé « le rock sur les os » (« рок на костях ») ou encore « le squelette de ma grand-mère » (« скелет моей бабушки »), prit fin avec l’arrivée du magnétophone.

Ces danses et ces musiques n’étaient pas interdites dans l’Union soviétique mais elles étaient tout de même mal vues et difficilement tolérées. Les stilyagi devinrent dès les années 1940 des cibles privilégiées pour le parti communiste et le komsomol, l’union des jeunesses léninistes communistes. Les stilyagi étaient traités de « cosmopolites sans Patrie » (« безродные космополиты »), donc de traître en puissance. La presse soviétique caractérisait les stilyagi de gangs soumis à la mode et menant un mode de vie immoral. Le comportement des stilyagi était condamné lors des réunions du komsomol et des réunions étudiantes.
Si les mises en garde ne suffisaient pas, les étudiants pouvaient être exclus de leur université ou du komsomol. Ce phénomène était atténué pr le fait que les stilyagi étaient généralement des enfents « de bonne famille » au sens soviétique du terme, et qu’ils bénéficiaient de protection.

caricature anti-slivagui
caricature anti-slivagui

La répression prit fin au début des années 1960, pour diverses raisons, dont la légalisation de nombreux attributs tels que le jazz, supprima le caractère déviant de cette sous-culture. Puis, l’apparition de nombreux courants de jeunesse beaucoup plus importants tels que les hippies ou la Beatlemania.