En août 1946, l’industrie est réorganisée. Le Ministère de l’Arme des mortiers (Министерство миномётного вооружения), dont dépendait l’industrie horlogère, est supprimé. Le Ministère de la mécanique générale et de la fabrication d’instruments (Министерство общего машиностроения и приборостроения), créé par le décret du Soviet suprême de l’URSS du 2 avril 1955, est fondé sur la base du Ministère de l’industrie aéronautique, du Ministère de l’armement et du Ministère du génie agricole.
Au sein de ce ministère, la Direction générale de l’industrie horlogère (Главное управление часовой промышленности), en abrégé le « Glavchasprom » (Главчаспром) hérite de la responsabilité de toutes les fabriques horlogères de l’URSS, et c’est C. M. Britsko est nommé Vice-ministre, chargé principalement de l’industrie horlogère.
Constantin Mikhaïlovich Britsko est né en 1909 à Gomel. Membre du Parti communiste, il travaille à partir de 1935 dans l’industrie. Ingénieur, il devient chef du département technique, puis ingénieur en chef, puis directeur, très apprécié de son équipe, de la 2e Fabrique de Montres de Moscou. Il est aussi « technologue en chef » et chef du Bureau technique du Commissariat du peuple à la construction mécanique générale de l’URSS.
Il participe à la guerre, et à la fin de celle-ci, en août 1946 donc, il est nommé Vice-ministre et placé à la tête du Glavchasprom.
Britsko sera aussi président adjoint du Sovnarkhoz (Instance dirigeant l’économie d’une région) de la région de Renza, Chef-adjoint de la Direction principale de l’ingéniérie électrique et de l’industrie de fabrication d’instrument, et du Conseil supérieur de l’économie de l’URSS.
Constantin Mikhailovich Britsko est mort à Moscou en 1992.
C’est Britsko qui a rapporté l’histoire de la naissance de la Pobeda.
Comme vice-ministre de l’industrie horlogère, il avait été convoqué, avec le directeur d’une des fabriques horlogères de Moscou, au Kremlin pour voir Staline.
Ils ne sont pas restés longtemps dans la salle d’attente.
Dans le bureau se trouvaient Staline, Kaganovich et Beria.
Sans préambule, Staline a ouvert un tiroir de bureau, a sorti une montre-bracelet et, la montrant au ministre et au directeur, a déclaré:
– Le Politburo est d’avis que le peuple victorieux a besoin d’une montre. Nous vous suggérons de maîtriser cet échantillon en production [la montre était sans doute une LIP] et appelez-les « Victoire », en l’honneur de la Victoire sur l’Allemagne. Combien de temps avez-vous besoin de maîtriser? Est-ce qu’un an suffira ?
– Cela suffira, a répondu rapidement Britsko. Il n’était pas d’usage de discuter dans ce bureau…
Sortant dans la rue, le directeur se jeta sur le ministre:
– Qu’est-ce que tu es? Une année ? On ne la maîtrisera pas en trois!
Et les deux de retourner à la réception.
– Camarade général, dit le ministre à Poskrebychev [le chef du cabinet de Staline]. Nous venons de nous consulter et nous pensons que nous ne pourrons pas garantir la montre d’ici un an. Que nous conseillez-vous?
– Suicidez-vous, répondit brièvement le général…
Après qu’une année se soit écoulée. Beria convoque Britsko.
– C’est fait? a demandé Béria.
– Nous l’avons fait, Lavrenty Pavlovich, répondit Britsko.
– Allons ! Dit Béria, et prenant une montre dans ses mains, il la secoua longuement, la porta à son oreille et la jeta soudainement contre le mur.
Un filet de sueur froide coula sur le dos du Vice-ministre…
Il ramassa sa montre et l’appuya contre son oreille.
– Elle fonctionne, Lavrenty Pavlovich, dit-il.
– C’est bien, répondit Beria.