La pendule du Palais d’hiver

La prise du Palais d’Hiver, dans la nuit du 25 au 26 octobre 1917 (7/8 novembre nouveau style), a été le moment le plus symbolique de la révolution bolchevique. Le gouvernement provisoire de Kerenski avait élu domicile dans le bâtiment plus tôt dans l’année, après la révolution de février qui avait aboutit à l’abdication du dernier tsar de Russie, Nicolas II.

Le Palais d’Hiver

À la veille de la révolution, Kerenski n’avait pratiquement plus de troupes. Il a alors quitté Petrograd le 6 dans la matinée, en essayant d’obtenir quelques régiments loyaux de la première ligne. En vain. Pendant ce temps, ce qui restait du gouvernement, retranché dans le Palais d’hiver, ne gouvernait guère plus que le Palais d’hiver lui-même, défendu par quelques unités volontaires, principalement des élèves-officiers. Les soldats avaient, sinon rejoint les bolcheviks, du moins abandonnés le gouvernement. Le palais était encerclé par les ouvriers, soldats et marins révolutionnaires.

Les assiégeants du Palais
Les assiégés du Palais

À 9h40 du matin, le croiseur Aurora amarré sur la Neva a donné un coup de canon à blanc, ordonnant ainsi de lancer l’assaut. L’artillerie bolchevique bombarda le Palais depuis la forteresse Pierre et Paul, située de l’autre côté de la Neva. Pendant ce bombardement, un groupe de 10-12 personnes, dirigé par Vladimir Antonov-Ovseïenko, se faufilait dans le palais par une porte ouverte et non surveillée à l’arrière du bâtiment.

Après des heures d’errance à l’intérieur de l’immense édifice plongé dans l’obscurité, le groupe est arrivé à trouver le cabinet exact où les 13 ministres tenaient une réunion: c’était dans la petite salle à manger blanche, l’une des pièces préférées de Nicolas II de Russie et de sa famille, Antonov-Ovseïenko les a immédiatement arrêtés, promettant en même temps la sécurité à tous les défenseurs du palais s’ils déposaient les armes.

Les traces de la mitraille sur la façade du Palais
Antonov-Ovseïenko

Il était 02h10 du matin, le 26 octobre. Les ministres arrêtés furent transférés dans la forteresse Pierre et Paul. 2h10 est l’heure à laquelle quelqu’un a arrêté la pendule de la pièce. Symboliquement, les autorités soviétiques l’avaient laissée à cette heure, et c’est ainsi qu’on la pouvait voir.

La pendule à motif de rhinocéros a été réalisée en France dans la seconde moitié du XIXe siècle et installée dans la petite salle à manger blanche en 1894.

Le 26 octobre 2017, le musée de l’Ermitage, qui occupe désormais le Palais d’Hiver, a organisé une cérémonie officielle qui a vu son directeur redémarrer l’horloge exactement 100 ans après qu’elle ai été arrêtée.