En 1877, un ingénieur saxon, Kurt Siegel, a fondé à Saint-Pétersbourg une fabrique pour la production de machines, d’appareils et d’accessoires pour l’industrie de l’eau et du gaz (accessoires de salle de bain, appareils pour l’éclairage au gaz, matériel de plomberie, équipements pour les pompiers et les blanchisseries, etc.). Coopérant avec les sociétés américaines et européennes les plus avancées dans le domaine, la fabrique Siegel et sa production étaient très moderne pour l’époque.
Au fil des ans, l’entreprise grandit et ouvre des succursales à Tallinn, Rostov-sur-le-Don, Riga, Ekatarinoslav (Dniepopetrovsk/Dnipro) et Moscou. Les techniciens de Siegel ont travaillé sur les installations de l’usine de la Baltique, de la bibliothèque publique, de la cathédrale Saint-Isaac, de l’observatoire de Pulkovo, le cuirassé « Saint-André » et le croiseur « Aurora ».
Au début de la Première Guerre mondiale, l’entreprise de Siegel était l’une des vingt-cinq plus grandes entreprises de Saint-Pétersbourg.
Avec la Révolution d’octobre, la fabrique est nationalisée en 1918 et en 1922 elle a été nommée « Hydraulique » (Гидравлика). Elle réalisait des travaux de plomberie, de chauffage et de ventilation dans tout le Nord-Ouest du pays. Malgré sa taille relativement petite, « Hydrolika » effectuait des travaux de conception, produisait les équipements nécessaires et les installait.
De 1903 à 1921, son directeur était B.K. Pravdzik, professeur (et plus tard directeur) de l’Institut du Génie civil. En 1921, il est remplacé comme directeur de l’usine par un autre le deuxième professeur du même institut: Mikhail Georgievich Melnikov. Très expert, Melnikov a été impliqué à plusieurs reprises en tant que membre et consultant de commissions gouvernementales.
Lorsque la construction de la gigantesque fabrique de machines Ouralmash a commencé, « Hydrolika » a effectué tous les travaux de canalisation de vapeur, de chauffage et de ventilation. Une équipe de trois cents travailleurs, dirigé par le communiste Foma Prokopov, s’est rendu à Ouralmash pour mener cela à bien.
Des travaux similaires ont été menés par le collectif de l’usine dans diverses villes de l’URSS: à Volkhovstroy et Astrakhan, à l’usine de ferroalliages de Tchéliabinsk et à Sibkombine, à la construction de Turksib et à Komsomolsk-sur-Amour.
Partout, les travailleurs de l' »Hydrolika » ont laissé derrière eux non seulement des installations achevées mais aussi un personnel qualifié, formé de travailleurs locaux.
En août 1933, un groupe de travailleurs de l' »Hydrolika », dirigés par l’ingénieur B.Ya. Ozol, a participé à un essai de soufflage du ballon stratosphérique « Osoaviakhim-1 », qui a ensuite atteint une altitude reccord de 22.000 mètres.
En 1939, après de nombreuses réorganisations, l’usine s’orienta vers la fabrication d’instruments. Pendant les années de guerre, l’usine a exécuté d’importantes commandes de défense dans Leningrad assiégée: elle a fabriqué des fusibles pour bombes aériennes, des stabilisateurs d’obus de mortier, des pièces de mitrailleuses.
En 1946, l’usine a commencé à développer des horloges électriques et reçoit un nouveau nom: la Fabrique d’Horloges Électriques de Léningrad (Электрические Часы Ленинграда, ЭЧЛ). A l’origine de ce changement d’activité, l’arrivée, avant-guerre, d’appareils de chronométrage mécanique de précision de la société allemande Strasser & Rohde. Ceux-ci ont vraisemblablement été expédiés en URSS en kits – l’assemblage et les réglages se faisant à Léningrad.
De 1946 à 1966, l’usine, qui hérita des appareillages de Strasser & Rohde dans le cadre des dommages de guerre, produisit une large gamme d’horloges électromécaniques installées dans les tours de Moscou et de Varsovie, dans le palais du Kremlin et dans les écoles, les usines, les stations de métro et autres lieux publics.
Elle fabriquait notamment des systèmes complets ЭЧM pour les gares et les usines avec une horloge primaire particulièrement précise (ЭПЧ « Электромеханические первичные часы ») et d’un certain nombre d’horloges secondaires (ЭВЧ « Электромеханические вторичные часы ») qui indiquent l’heure transmise par un fil de l’horloge primaire.
Ces horloges étaient jusque là produites par la 2e Fabriques de Montres de Moscou.
Voici une de ces horloges primaires:
Plus tard, l’usine s’est élargie pour inclure des appareils chronométriques multifonctions et d’autres instruments de mesure de précision. Ces dispositifs, destinés à mesurer le temps plus précisément que tout autre, ont été utilisés dans les systèmes de navigation et dans les centrales nucléaires. Lorsque Spoutnik 1 a été lancé, il a été suivi à l’aide de nombreux instruments, y compris des instruments créés dans la fabrique.
Dans les années 1950, la fabrique a, parallèlement, développé une activité d’assemblage de montres mécaniques fabriquées à partir de pièces fournies par d’autres fabriques. Cela a commencé avec des partenariats avec la Fabrique de Montres d’Ouglitch et la Fabrique de Montres de Penza pour la production de montres-bracelets Zvezda pour les femmes. Ces Zvezda ne se distinguent de celles produites à l’époque à Ouglitch et à Penza que par cette minuscule inscription au bas du cadran: ЭЧЛ Ленинград.
Il semble qu’il y aurait aussi eu des Mayak estampillées ЭЧЛ. Des Pobeda, c’est certain:
Dans les années ’60 et ’70, la fabrique de Léningrad a établi un partenariat plus étroit avec la Fabrique de Montres de Petrodvorets. Celle-ci fournissait, à partir du début des années 1960, des mouvements complets et des pièces pour une nouvelle ligne de production de montres-bracelets mécaniques. Tous les composants de ces montres ont été fabriqués à Petrodvorets; seul l’assemblage final avait eu lieu à Léningrad. Ce sont ces montres qui portent la marque Svet (Свет, « lumière »), et étaient identiques à leurs homologues Raketa. Les premières Svet portent le logo de la fabrique de Léningrad (les initiales ЭЧЛ dans un pentagone), ce logo disparaitra à partir de 1975, comme on le voit ici sur les Svet du catalogue 1977:
Ces montres, qui constituent l’essentiel de la production des Svet, n’ont alors d’autres marquage que le logo de Raketa sur le mécanisme, avec souvent de surcroit le fonds typiquement Raketa (un globe terrestre avec en guise de méridiens les mentions пылевлагозащищенные, étanche à l’eau et à la poussière, et противоударные, antichoc), ce qui est à l’origine de l’attribution erronée mais commune de la marque Svet à la fabrique de Petrodvorets .
Au début des années ’60, la fabrique produit des pendulettes de marque Energia emboîtant un mécanisme de conception inhabituelle, de type 34A: un moteur électrique remonte le ressort d’un mouvement mécanique:
En 1975, la Fabrique d’Horloges Électriques de Léningrad est officiellement renommé « Chronotron » (Хронотрон) ou plus exactement Fabrique Expérimentale de Dispositifs Électronique de Mesure du Temps de Léningrad « Chronotron » (Ленинградский опытный завод электронных приборов времени « Хронотрон »). Les montres Svet ont continué à être produites pendant un certain nombre d’années par la suite.
Depuis les années 1980, Chronotron a continué à fabriquer des dispositifs de chronométrage précis de toute sorte (ainsi ceux réglé par radio) pour une utilisation dans les espaces publics, pour des dispositifs divers incluant les aéroports, les cosmodromes et les vaisseaux spatiaux et les systèmes de contrôle d’armes stratégiques. L’usine est toujours en opération aujourd’hui.
« Chronotron » reste le principal développeur et fabricant russe de solutions de haute technologie et compétitives dans le domaine de la technologie d’horloge.
le site actuel de Chronotron
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Les Svet de la collection de Dashiell