Raketa « Papeterie de Krasnogrod »

(collection B. Hanoï)

Montre bracelet, mécanique, commémorative, produite par la Fabrique de Montres de Petrodvorets
Motif du cadran : Motif d’usine, le logo de l’usine, et les mentions  » Красногородская » (« de Krasnogrod »), 275 (pour les 275 ans de l’usine), et « ленинград » (« Léningrad »).
Boîtier : Laiton chromé
Type de fermeture du fond : Clipsé
Gravure sur le fond : 971
Mécanisme : Raketa 2609.HA à 19 rubis
N° de série du mécanisme : 60882
Mentions sur le calibre : 2609.HA et SU (Soviet Union) sur le pont, n° de série et logo Raketa (raquette symbolisée) sur la platine.
Date de fabrication : Années ’80
Diamètre sans couronne : 38mm
Largeur avec couronne : 40mm
Dimension de corne à corne : 40mm
Épaisseur : 11mm
Entre-cornes : 18mm

En 1709, dans la vallée de la Duderhofka, sur la route liant Saint-Petersbourg (fondée six ans plus tôt et qui n’était qu’un vaste chantier) à Narva, Pierre Ier choisit un lieu pour une fabrique de papier, la première en Russie.
La fabrique est inaugurée en 1714 et sa production commence en 1716 (essentiellement des papiers de chintz et de lin).
La montre célébrant les 275 ans de la Fabrique, elle date donc 1989.

Pour se créer un prolétariat industriel, Pierre Ier a transféré dans la vallée des serfs de Krasnoye Selo (district de Kolomensk, dans la région de Moscou), qui donneront à leur lieu de repeuplement le nom de leur village natal (Кра́сное Село́, le « village rouge » mais aussi, le « beau village »).
En 1768, sous Catherine II, la papeterie Krasnoselsky commence à produire du papier spécial pour l’impression du premier papier-monnaie russe.
De 1782 à 1788, la fabrique passa aux mains du prince G.A. Potemkine-Tauride. Elle sera ensuite vendue et sera la propriété de divers capitalistes russes.
La papeterie restera la plus prestigieuse de Russie, recevant des prix pour la qualité de ses papiers et au 19e siècle, elle allait considérablement augmenter le volume de sa production et élargir la gamme de ses produits (elle est la première entreprise russe où la production de bandes télégraphiques). Le 4 août 1893, l’usine fut visitée par l’empereur Alexandre III et l’impératrice Maria Fedorovna.
Ceci étant, la Fabrique de papier reste une exception dans la mesure où Krasnoe Selo se développera surtout comme ville de villégiature pour la capitale avec la construction de nombreuses résidences secondaires et villas, en particulier les résidences d’été des tsars.
La localité était aussi le théâtre des grandes manœuvres militaires annuelles présidées par le tsar.

Sur ce billet de 15 kopeks, imprimé sur le papier de la fabrique, l’image de la papeterie

L’ingénieur en chef Peter Mikhailovich Gorbunov, qui a dirigé l’usine (alors propriété d’un grand capitaliste local nommé Pechkatine) jusqu’à sa nationalisation a non seulement modernisé et augmenté la production, mais a entrepris une série de mesures sociales (logements décents pour les ouvriers, école pour leurs enfants) qui fit de la papeterie une des rares usines à ne pas devenir un foyer révolutionnaire. La fabrique n’a pas connu une seule grève ! Et pendant de nombreuses décennies, l’infrastructure sociale créée a été utilisée par la population à l’époque soviétique.
En 1920, par décret du Conseil économique suprême de la RSFSR, l’usine est nationalisée.
Elle sera encore développée et modernisée, avec des machines à papier achetées en Allemagne en 1921 et 1922. À la fin des années 1970, l’essentiel de l’outillage était technologiquement dépassé, mais la Fabrique avait un département expérimental à la pointe des techniques du secteur et elle produisait massivement des papiers spéciaux (calques, plastifiés, thermiques, couchés, tetrapack, etc.).

En outre, la fabrique avait un département officiellement nommé « Atelier n°1 » mais surnommé dans la fabrique « l’atelier exotique », où étaient fabriqués des produits secrets pour les industries militaire et spatiale.
Cet atelier a fabriqué par exemple du papier qui, tombant dans l’eau de mer, se dissolvait en 30 secondes et, au contraire un papier qui ne se dissolvait pas du tout.
L’Atelier n°1 a même fabriqué un matériau composite pour la navette spatiale Bourane. Pour la petite histoire, la fabrique avait besoin, pour sa production militaire, d’une machine produisant un papier percé de mailles inclinées, indispensable au secteur de l’aviation. La machine a été achetée à l’Ouest, officiellement pour produire des sachets de thé …

Krasnoïe Selo, qui avait obtenu le statut de ville en 1925, passe en 1973, sous la juridiction de la ville de Léningrad, et c’est dans les années ‘70 que la fabrique prend le nom de Fabrique de papier de Krasnogorod (Красногородская бумажная фабрика), ce qui explique les mentions sur le cadran de la montre.
Au début des années 1980, des plans à grande échelle pour la reconstruction de la fabrique sont apparus. Toutes les anciennes installations devait être démolies au profit de nouveaux bâtiments équipés de machines modernes. Un bâtiment pour l’Institut pan-russe de recherche sur l’industrie du papier et de la pâte à papier devait aussi être créé.
Mais elle subira le choc de l’effondrement de l’URSS : privatisation dans un contexte de crise avec une clientèle non solvables et un mode de fonctionnement calibré pour une économie planifiée, le manque de liquidité, le troc au plus haut niveau, les ouvriers non payés vendant en masse, pour trois fois rien l’action de l’entreprise qu’ils avaient reçu à la privatisation, la liquidations des infrastructures sociales, etc.
Les années ‘90 sont une descente aux enfers et l production cesse tout à fait en 2003.

La papeterie désaffectée