La Raketa 2603 du Printemps de Prague

Josef Koudelka est né le 10 janvier 1938 à Boskovice, dans le sud de la Moravie, il est photographe amateur dès ses études.
Dans les années ‘50, ses sujets sont d’abord les compagnies de théâtre à Prague, ensuite aux Roms de Tchécoslovaquie.
En 1967, qui quitte son métier d’ingénieur aéronautique pour se consacrer à la photographie. Il emploi alors un EXAKTA (de la firme Ihagee de Dresde, en RDA (pour en savoir plus: voir ici)

Josef Koudelka
Une photo de Koudelka lorsqu’il travaillait sur les Rom

La nuit du 20 au 21 août août 1968, Josef Koudelka, revient d’un voyage en Roumanie (toujours pour photographier les Roms).
La nuit même, l’Armée soviétique entre dans Prague.
Koudelka: « Je revenais juste d’un voyage en Roumanie où je photographiais les Roms, je suis allé dormir, et au beau milieu de la nuit, vers trois heures, le téléphone a sonné. C’était une de mes amies qui m’a dit : ‘les Russes sont ici !’ J’ai raccroché en pensant à une blague. Mais elle a rappelé trois fois et m’a dit d’ouvrir les fenêtres et d’écouter. Et là, j’ai entendu le bruit régulier des avions. J’ai compris qu’il se passait quelque chose, j’ai pris mes appareils photo et je suis sorti. »

Les Soviétiques font courir une rumeur de manifestation de protestation pour provoquer un incident qui pourrait justifier l’invasion.
Les habitants de Prague ne tombent pas de le piège. A l’heure du rendez-vous, le 22 août, les manifestants ne se sont pas déplacés.
La place Wenceslas  (qui ressemble à un petit boulevard), était déserte. Josef Koudelka monte sur un échafaudage pour prendre de la hauteur et demande à un homme présent de maintenir sa montre-bracelet en élévation, au-dessus des rues praguoises encore vides ; afin d’immortaliser l’heure de l’invasion.

L’image devient iconique et emblématique de l’invasion des troupes du Pacte de Varsovie, mettant fin au Printemps de Prague.

Après la publication de cette image, certains ont commencé à se demander à quelle heure avait été prise cette photographie. Il est difficile de lire l’heure sur la montre, car les aiguilles ne sont pas nettes en raison de l’effet Bokeh (la mise au point est effectuée sur l’arrière-plan). Sans avoir le témoignage de Koudelka et sans reconnaître le modèle de la montre, on pouvait ainsi penser à deux heures : 12h20 ou 18h03.
Koudelka: « Tout le monde croit qu’il s’agit de ma main, même Cartier-Bresson en était persuadé. Il me disait même qu’elle le dérangeait, qu’il ne l’aimait pas parce que c’était ma main… Je ne l’ai pas détrompé, mais ce n’est pas ma main. C’est celle d’un type qui est monté aussi sur l’échafaudage du bâtiment. Je lui ai demandé de tendre la main, je voulais qu’on voie que la place était vide. Il m’a demandé ensuite s’il pouvait prendre une photo de ma main ! Et il y a environ 5 ans, voilà que le téléphone sonne et j’entends une voix qui me dit : c’est moi dont vous avez photographié la main ! Il pensait que je ne le croyais pas, ce qui était vrai. Et là, il m’a dit qu’il avait une preuve : la photo de ma main ! »
Durant la semaine qui suit, Josef Koudelka prend des dizaines de photographies de rue de la résistance des Tchécoslovaques.  Par peur des représailles, les photographies sont d’abord publiées anonymement avec les initiales P.P pour « Prague Photographer » ; aux États-Unis par l’agence Magnum. Josef Koudelka reçoit le prix Capa pour ces images marquantes, sans que son nom ne soit mentionné.

Un an après l’invasion de Prague, il se rend à Londres à l’occasion d’une visite avec son groupe de théâtre tchèque. Alors qu’il sort de son hôtel un dimanche matin, il remarque quelques membres du groupe lisant attentivement un exemplaire du Sunday Times. Ce sont ses propres photographies de l’invasion et des protestations spontanées qu’elle a provoqué dans les rues qui figurent dans le journal.
« Ils m’ont montré le magazine où il disaient que ces photographies avaient été prises par un photographe inconnu de Prague et sorties clandestinement du pays » raconte t-il à The Guardian en 2008. « Je n’ai pu dire à personne que c’était mes photographies. C’était un sentiment très étrange. À partir de ce moment, j’étais effrayé de retourner en Tchécoslovaquie parce que je savais que s’il voulaient découvrir qui était le photographe anonyme, ils le trouveraient. »

En 1970, il quitte son pays, devient apatride alors qu’il s’installe en Angleterre où il vivra près de 9 ans. Alors qu’il continue ses travaux sur les Roms et parcourt le monde pour documenter les diverses coutumes d’Europe. Il devient membre de l’Agence Magnum en 1974 se liant d’amitié avec Henri Cartier-Bresson et Robert Delpire.
« Être en exil, c’est tout simplement le fait d’avoir quitté son pays et de ne pas pouvoir rentrer. Chaque exil est une expérience individuelle, différente. Moi je voulais voir le monde et photographier. Cela fait quarante-cinq ans que je voyage. Je ne suis jamais resté nulle part plus de trois mois. Quand je ne trouvais plus rien à photographier, il fallait que je parte. Quand j’ai pris la décision de ne pas rentrer, je savais que je voulais développer une expérience du monde que je ne pouvais pas envisager quand j’étais en Tchécoslovaquie. » déclare t-il au journal Le Monde, en 2015.

En 1984, une première exposition d’importance lui est consacrée à la Hayward Gallery de Londres. Après 16 ans d’anonymat, ses photographies sont publiées pour la première fois sous son nom. Ce n’est qu’en 1990, après la chute du Mur que, naturalisé français, Koudelka retourne dans son pays natal. 22 ans après l’attaque, le premier août après que le régime communiste a renoncé au pouvoir, la principale revue culturelle et politique de Tchécoslovaquie, Respekt, a mis la photo de la montre-bracelet de Koudelka sur la couverture d’une spéciale. édition consacrée à l’invasion de 1968.

Cette montre, avec la typo « Brussel » est une Raketa 2603/591028 (si le boîtier est chromé) ou de la Raketa 2603/593028 (si le boîtier est plaqué or)

Elle n’est pas si rare.

chromée et cyrillique (collection B. Hanoï)
dorée et latine (collection B. Hanoï)

Voir ici la notice du modèle chromé

La voici dans un catalogue du MASHPRIBORINTORG de 1968 destiné à la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et la Tchécoslovaquie (muški ručni časovnici = montres bracelets en tchèque).
Seul le modèle chromé est proposé:

Sources :
https://moonphase.fr/josef-koudelka-decryptage-du-plus-celebre-wristshot-de-lhistoire/
https://moonphase.fr/koudelka-watch-montre-raketa-2603/
https://www.lamag.com/culturefiles/just-time-brilliant-career-josef-koudelka/
https://phototrend.fr/2019/10/dessous-des-images-montre-josef-koudelka/
http://leicaphilia.com/josef-koudelkas-wristwatch/

Les photos de Koudelka à Prague :
https://www.magnumphotos.com/newsroom/josef-koudelka-invasion-prague-68/