Avant la révolution russe, la famille Wein, originellement Weinzieher, vivait à Kiev et vendait des montres dans tout l’Empire,de la Pologne à l’océan Pacifique. Elle émigre progressivement aux États-Unis. On ne sait pas combien de membres de la famille a voyagé avec le chef de famille, Hersh Wein, et combien sont arrivés plus tard. Hersh Wein avait une grande famille qui allait fonder d’importantes branches de l’industrie horlogère nord-américaine.
Tout commence dès 1904 avec la création de l’entreprise familiale Weinstrum Watches, qui est devenu le concessionnaire d’Abra Swiss Watches, et qui était basée à New York. Plus tard, la société allait être renommée Wein Brothers. Hersh (ou Hirsch) a laissé son entreprise à ses fils et gendres.
La tradition familiale rapporte que la grande entreprise familiale ait éclaté en raison des conflits entre les brus.
Rose Wenger (née Wein) et Wenger Watch
Rose Wenger et son mari Sam se sont rendus à Montréal en 1923 et ont fondé la Wenger Import Company. Le début sont modeste: ils vendent des montres dans leur appartement. En 1938, ils créent la Wenger’s Limited qui était un « établisseur » – c’est-à-dire, plutôt que de concevoir et de produire des montres à l’interne, ils assemblaient des éléments importés, voire faisaient fabriquer des montres complètes.
En 1939, ils déposent la marque Gladstone pour des montres fabriquées à partir de d’éléments importés de Suisse, et la marque Cardinal pour des montres mécaniques à 17 rubis.
Dans les années 1970, Sam a confié la direction quotidienne de Wenger’s Limited à ses deux fils, Ike et Myer. A cette date, la collaboration avec les fabriques soviétiques a déjà commencé.
Les Fabriques de Montres de Petrodvorets, les 1ère et 2e fabriques de montres de Moscou, les fabriques ZIM et Molnija ont produit des Cardinal et des Gladstone des années 1960 aux années 1990.
Cardinal était la marque dominante du marché canadien (comme Sekonda en Grande-Bretagne). Dans les années 80, Cardinal (qui a élargi son assortiment de montres pour inclure des montres LCD de marque Cardinal Sports Quartz) devient sponsor d’une écurie de course automobiles (en Formula Atlantic).
Dans les années 90, c’est l’introduction des montres Wenger de fabrication suisse au Canada (mais la société suisse Wenger, fondée en 1893, est tout à fait distincte de la Wenger canadienne), la création de la marque Citadel. L’actuel président de la Wenger Ltd. est Myer Wenger, l’arrière-petit-fils de Hersh.
Morris Wein et Marathon Watch
Morris Wein (sur la photo de famille: celui assis sur les genoux de son père) allait fonder Marathon Watch à Montréal au Canada en 1939. A partir de 1941, la société fourni en chronomètres et montres de précisions les forces armées canadiennes combattants outre-mer. Dans les années 1970, un accord a été conclu avec l’URSS pour importer des montres de poche Molnija, des chronomètres Zlatoust et des réveils Slava et les vendre en Amérique du Nord sous la marque Marathon.
Ce partenariat de partenariat américano-soviétique s’est poursuivi dans les années 80, probablement jusqu’à la dissolution de l’URSS. La société était aussi propriétaire de la marque Adanac (« Canada », à l’envers ») et a vendu des chronomètres de la 2FMM et de Zlatoust sous cette marque
Ce qui est ironique, c’est que Marathon est devenu fournisseur officiel du gouvernement US dès les années ’80. La société a bénéficié d’une grosse commande des États-Unis Armée pendant la première guerre du golfe Persique en 1990-1991: 120.000 montres. Aujourd’hui encore, les montres COTS que l’US Army propose à son personnel sont des Marathon Navigator et des Marathon GSAR fabriquée par la société suisse Gallet.
La société, basée à Toronto avec une fabrique à La Chaux de Fonds, a été dirigée à la mort de Morris par son fils Leon, puis par son petit fils Mitchell, un autre arrière petit-fils de Hersh Wein.
Hyman Wein et Clinton Watch
Hyman Wein, né en 1888 à Kiev, émigre en 1922 aux États-Unis avec sa femme Susan, également connue sous le nom de Sasha. Il avait auparavant été officier dans l’armée tsariste. Ils se sont installés à Chicago où il a fondé la Clinton Watch Company en 1922. Clinton est le nom d’un comté de l’Illinois et d’une région de Chicago. La société ne faisait, comme beaucoup d’autres sociétés horlogères de cette cette époque, qu’assembler des éléments produits ailleurs.
Hyman Wein a ouvert une école de réparation de montres pour les immigrants, les handicapés et les anciens combattants.
Le fils de Hyman, Irving, né en 1925, lui a succédé à la tête. Il créé la société Josan SA à Neuchâtel, en Suisse, dans les années 1960, qui a assemblé des montres pendant les 20 ans.
À la suite de cela dans les années 80, il a ouvert une usine d’assemblage de montres à St. Croix, dans les îles Vierges américaines (le nom de St. Croix est devenu une marque du groupe). Irving Wein était l’un des principaux lobbyistes de la Federal Trade Commission des États-Unis en ce qui concerne l’assemblage de mouvements de montres dans les îles Vierges américaines (une loi tarifaires favorisait ce type d’implantation voir ici). Cette usine restera en activité jusqu’à 2008.
En 1981, Irving a acquis Benrus après que cette vénérable marque américaine eut connu des difficultés. La marque a été revendue en 1995 à Bernie Mermelstein de M.Z. Berger & Company, qui a également acquis, séparément, les marques d’autres anciennes sociétés horlogères américaines, Elgin, Waltham et Gruen (Gruen qui a aussi collaboré avec l’URSS: voir ici). La société Clinton avait changé son nom en Benrus en 1981, mais après la vente de 1995, le nom a été changé à nouveau, cette fois en son nom actuel, Hampden Corporation.
Dueber-Hampden était la société horlogère en faillite basée à Canton (Ohio), rachetée par l’URSS pour établir la 1ère Fabrique de montres de Moscou (voir ici). Après la faillite, la vente des machines, brevets, plans et pièces à l’URSS, la marque, avec l’accord des Soviétiques (en l’espèce: de l’organisme Amtorg) était revenue à la curatelle. Elle l’a transférée à certains anciens employés qui avaient repris le département de services de l’usine. Une partie de l’accord avec Amtorg prévoyait que les Soviétiques exporterait une partie de leur production vers Canton, mais cela ne se réalisa pas.
La dénomination Hampden n’étant plus utilisée, elle fut acquise par la Manheimer Watch Company de Chicago. Celle-ci a fondé en 1939 la Hampden Watch Company pour importer et commercialiser des mouvements suisses. En 1957, la société est vendue John Alder, mais les affaires vont mal et le 25 mars 1958, John Adlet se jette par la fenêtre de son bureau, au 18e étage… Hampden est alors rachetée par Hyman Wein et devient une marque du groupe avant de devenir le nom du groupe. Fin de la parenthèse.
Hampden Corp., ci-devant Benrus, ci-devant Clinton, reste une entreprise familiale, Joseph H. Wein, la troisième génération donc, en a repris la direction à la mort de son père en 2002.
Monya Wein et les autres…
Quelques mots sur les autres rejetons de Hersh Wein: Monya Wein a déménagé en Suisse et, pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a aidé à maintenir les entreprises familiales en vie en trouvant suffisamment de mouvements et de pièces à envoyer aux entreprises familles situées aux États-Unis et au Canada.
Il y avait encore deux autres fils: l’un parti à New-York et le dernier à Los Angeles.
Sources principales