Ce n’est qu’au début de 1951 que fut produite la première montre 100 % soviétique. Jusqu’à cette date, l’URSS produisait toutes les pièces nécessaires à l’industrie horlogère sauf une : le spiral.
Ce petit ressort enroulé en spirale qui, ramenant le balancier à sa position de départ à la fin de chaque alternance, règle le fonctionnement d’une montre mécanique, est la pièce la plus délicate à produire. Toute variation du moment de flexion à l’une des extrémités doit être intégralement transmise à l’autre extrémité. Or un ruban d’acier tend naturellement, s’il était droit au départ, à se disposer sous la forme d’un rouleau dont les spires se touchent, provoquant un frottement influant sur le comportement. L’obtention de spires non jointives (et équidistantes!) nécessite dès avant l’enroulement une conformation particulière, en « S », du ruban d’acier. C’est cette délicate mise en forme du ressort en « S » qui demande beaucoup de savoir-faire et d’expérience.
Jusqu’à fin 1955, les spirals des montres soviétiques étaient presque tous fournis par le premier producteur mondial: la société suédoise Sandvik, dont voici l’histoire. En 1857, un industriel suédois, Göran Fredrik Göransson, se rend au Royaume-Uni pour se procurer une machine à vapeur pour le haut-fourneau de Edske. Il y découvre l’invention de Bessemer (déposée en 1855), change ses plan, acquiert un cinquième du brevet Bessemer et retourne en Suède y appliquer la technique. En 1858, le premier acier suédois issu du procédé Bessemer est produit à Edske. C’est le point de départ d’une grand réussite industrielle. C’est cependant dans un revers de fortune qu’elle est partiellement revendue, restructurée et rebaptisée Sandvikens Jernverks AB (Fabrications métallurgiques de Sandviken SA). La marque Sandvik est alors retenue pour les produits d’acier.
C’est en 1876 que Sandviken développe la production de fils, de rubans et de ressorts métalliques de précision pour l’industrie horlogère. Cette production reste au début marginale, dans l’ombre de celle des… baleines de parapluie et de corset !
En 1904, la société ouvre une filiale en Suisse pour bénéficier des recherches des manufactures horlogères locales. En 1909, suite à la grande grève des ouvriers suédois, la société ouvre une filiale en Allemagne (sa première filiale de production) spécialisée dans les lames de rasoir. L’entreprise profitera considérablement de la première guerre mondiale mais souffrira de la grande crise : en 1921, elle enregistre sa première perte depuis 1868 ! Passé la crise, l’entreprise continuera de se développer, se spécialisant dans les équipements industriels, pour être aujourd’hui encore 47.000 travailleurs dans 130 pays.
C’est donc en 1951 « Fabrique de laminage de tôle et de fil d’acier Molotov » (Сталепрокатный и проволочно-канатный завод имени В. М. Молотова) réussirent à produire de bons ressorts de qualité, libérant ainsi les usines de montres soviétiques de le dépendance envers le monopole suédois (voir le rapport de la CIA à ce propos).
Cette usine est située au sud-ouest de l’île Vassilievski, dans une des plus anciennes zone industrielle de Saint-Petersbourg. C’est là qu’étaient installées les teintureries, tanneries et autres fabriques polluantes et nauséabondes qui étaient interdites dans le centre ville et dans la partie supérieure de la Neva.
C’est une négociant en fer et en bronze, le français F. A. Chopin, qui a fondé en 1857 une fabrique métallurgique qui allait changer plusieurs fois de propriétaire et de raison sociale. En 1921, l’usine (dotée d’un laminoir) a été rebaptisé « Le Cloutier rouge » (Красный гвоздильщик).
Elle connu une développement constant sous le pouvoir soviétique, particulièrement lors du premier plan quinquennal, et a pris en 1940 le nom « Fabrique de laminage de tôle et de fil d’acier Molotov » (Сталепрокатный и проволочно-канатный завод имени В. М. Молотова)
Parmi ses nouveaux bâtiments, le plus notable était la fabrique de câble et surtout le château d’eau, conçu par architecte Yakov Tchernikhov (1889-1951), un diplômé de l’Académie des Arts de Saint-Pétersbourg. Le château d’eau est un exemple frappant de l’architecture constructiviste. La conception de la tour combine deux volumes géométriques un tronc élancé prismatique et la cuve cylindrique, s’appuyant sur deux minces piliers. Yakov Tchernikhov, qui fut d’abord un futuriste, est l’un des plus éminents représentants du constructivisme soviétique, et un théoriciens majeurs de l’architecture. Ses dessins (environ 17.000! voir ici) sont d’une qualité exceptionnelle.
Le 18 novembre 1957, suite à la chute de Molotov, elle a été renommée « Fabrique d’Etat de laminage de Léningrad » (Ленинградский государственный сталепрокатный завод). Devenue Société anonyme le 11 novembre 1992, la fabrique a dépéri et a cessé définitivement toute activité en 2007.